Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Nous sommes tous des assassins !

Le célèbre réalisateur Carcassonnais André Cayatte - enfin, surtout connu en dehors de sa ville natale - est l'auteur d'un film sur la peine de mort qui défraya la chronique nationale en 1952.

"Nous sommes tous des assassins" 

Prix du jury

au

Festival de Cannes.

Les rôles principaux sont tenus par le chanteur Mouloudji et l'acteur Raymond Pellegrin, ce dernier étant connu du grand public pour avoir prêté sa voix à Fantomas.

nous_somme_tous_des_assassins.jpg

Le synopsis nous révèle l'histoire d'un ancien résistant qui après la Libération se transforme en meurtrier. Arrêté et condamné à mort, il se retrouve en cellule avec d'autres assassins. Son avocat cherchera à le sauver en mettant en cause la société, responsable - selon lui - d'être à l'origine du comportement meurtrier de son client.

L'affaire André Tejerons

Ce que la majorité des gens ignorent, c'est que ce film et plus largement la prise de position - courageuse pour l'époque - d'André Cayatte contre la peine de mort - lui ont été inspirés par un fait divers tragique ayant eu pour cadre Saint-Hilaire. Le 9 février 1924, André Tejerons condamné à mort pour meurtre est guillotiné dans la cour de la Maison d'arrêt de Carcassonne. Il s'agit de la dernière exécution capitale dans notre ville, avant l'abolition de la peine de mort en 1981.

Capture d’écran 2016-08-11 à 09.48.08.png

Le 6 mai 1923, dans un champ en flamme à la sortie de Saint-Hilaire en direction de Ladern-sur-Lauquet, Basile Pistre - le propriétaire - découvre un corps carbonisé dans une meule de foin. Le Dr Piquemal de Limoux constate sur le cadavre non identifiable des traces de strangulation et son crâne défoncé. Les gendarmes enquêtent au village et arrêtent Jaime Ibanez. Ce dernier passe aux aveux ; il indique avoir participé à l'assassinat de Jose Torres sous les ordres de Tejerons. Accusé de la sorte, il se défend et nie en bloc les accusations de son comparse. Le mobile de cette machination préméditée serait le vol de l'argent de Torres avant son départ pour l'Espagne. 

Ibanez et Tejerons sont renvoyés vers la Cour d'assise. Durant le procès, Tejerons n'aura de cesse de chercher à prouver son innocence grâce à des alibis plus que logiques. Un témoignage confirme ses dires, concernant sa présence sur les lieux et l'objet contondant du crime qui ne lui appartient pas. Qu'importe ! Le tribunal ne s'appuie que sur les dires d'Ibanez qui, cherchant à sauver sa peau, charge Tejerons de la responsabilité du meurtre. Le verdict de la Cour condamne Ibanez aux travaux forcés perpétuels et Tejerons, à la peine capitale. Me Riart, son avocat, se pourvoit en cassation contre l'arrêt de mort. Rejet, le 13 décembre 1923. Il ne reste plus que la grâce présidentielle que son avocat va tenter d'obtenir lors d'un voyage à Paris. Tejerons est confiant... jusqu'au matin du 8 février 1924.

Le réveil du condamné

(Le petit méridional / 9 février 1924)

Vendredi matin, à 6 heures, le condamné fut réveillé par M. Couréjelongue, procureur de la République, entouré de MM. Galy, substitut ; Uzac, juge d'instruction, Aurifeuille fils, greffier en chef ; Journet, commis-greffier ; Grillères, secrétaire de parquet ; Me Riart et l'abbé Séverac, aumônier de la prison ; M. Suberville, comme interprète. 

On lui apprend que son recours en grâce étant rejeté, le moment est venu, pour lui, de payer sa dette à la société. En espagnol, il s'écrie :

"No me mate, no me mate !" (Ne me tuez pas)

Son avocat, lui répond : "Courage et meurs en bon Aragonais."

L'abbé Séverac lui demande s'il veut se confesser et assister à la messe. Il y consent. On lui offre un verre de rhum qu'il accepte, puis il fume des cigarettes. M. Deibler (le bourreau, ndlr) qui l'attendait au greffe de la maison d'arrêt procède à sa toilette. Au moment où il était en train de lui lier les mains derrière le dos, Tejeron dit : "Ne me faites pas mal !"

La funèbre machine est dressée face à la grande porte de la maison cellulaire sur le trottoir, Rejeton paraît entre les aides qui le maintiennent et est suivi des membres du Parquet, de Me Riart et de l'abbé Séverac. A ce moment l'assassin n'est qu'une loque. Il n'exprime plus rien : ni regret, ni peur, ni repentir.

On le pousse sous la bascule. Le couperet tombe. Justice est faite.

L'origine du combat de Cayatte

"L'abbé Séverac a assisté le fameux Tejerons lors de son exécution capitale. Très impressionnable, il n'a pas résisté à cette tragique émotion. Rapidement, on l'a vu dépérir et il est mort après de cruelles souffrances, victime du devoir généreusement accompli. (La semaine religieuse / 12 juillet 1924)

media.jpg

André Cayatte qui n'avait que 15 ans à l'époque des faits vivait à Carcassonne avec ses parents au-dessus de l'épicerie qu'ils tenaient dans la rue Denisse. L'abbé Séverac était un cousin de la famille et cette histoire a formellement traumatisé le jeune adolescent ; il s'est juré de lutter toute sa vie contre l'implacable machine judiciaire. On retrouve dans un grand nombre de ses films cette thématique, comme dans Mourir d'aimer avec Annie Girardot.

3532681253.jpg

André Cayatte a été homologué pour faits de résistance après la Libération. Son dossier se trouve aux archives de la défense à Vincennes.

Capture d’écran 2016-08-11 à 11.33.11.png

La maison natale de Cayatte, rue Denisse

On attend toujours une plaque sur cette maison. 

Sources

Le petit méridionnal / 9 février 1924

Les grandes affaires criminelles / Clément Cartier

________________________

© Tous droits réservés / Musique et patrimoine / 2016

Commentaires

  • Monsieur Andrieu,

    Une fois de plus, après la plaque de Pierre GERMAIN, la maison de la guestapo, Paul Lacombe, il s'agit bien de l'inculture de nos édiles de la ville de Carcassonne !!!!!
    André CAYATTE fut un des réalisateurs les plus populaires des années de l'après-guerre. Ses films faisaient tous des triomphes au box-office. Il faut dire qu'en ces temps-là les cinémas faisaient salles combles !!!!!
    Ne pas oublier aussi qu'il remporta le Lion d'or à Venise pour "Le passage du Rhin" interprété par Charles AZNAVOUR et Nicole COURCEL, récemment disparue....
    Autre anecdote: dans le film "Le miroir à deux faces", Michèle Morgan envoie une carte postale à Bourvil de Carcassonne (hommage à sa ville natale). Carcassonne le lui rend bien mal !!!!!!!
    Qu'attendre d'une municipalité qui finance la tauromachie et parle de cette tuerie en la qualifiant d'art !!!!!!!!

  • De telles "mésaventures" ne sont certainement hélas pas terminées, quand on constate l'inculture de nos élus. Je dis bien de nos élus, de nos élus et de leurs collaborateurs aussi, que nous ne pouvons davantage ignorer, sachant que la plupart sont des "planqués": tous, quels qu'ils soient, quelle que soit leur obédience, quelle que soit aussi leur origine. C'est grave, très grave. J'en viens à me demander s'il est possible qu'un jour, notre ville se sorte de pareille misère. Par quel miracle ?
    Carcassonne ! un nom qui n'a pas fini de faire rigoler les parisiens, qu pourtant je n'aime pas davantage.

  • Je connaissais l'histoire de la mort de l'abbé Severac suite à l'exécution d'André Tejeron que ma grand-mère m'avait raconté. Elle la tenait de son oncle, l'abbé Laporte, aumônier des prisons.

Écrire un commentaire

Optionnel