Il est dans notre bonne ville de Carcassonne - vieille de plus de deux mille ans d'histoire - une maison remarquable datant du XVIe siècle. On l'appelle la maison de Montmorency puisqu'une tradition orale prétend que Henri II de Montmorency (1595-1632) en fut le propriétaire. Aucun texte ne l'attestant, il est plus probable qu'il y fut logé lors de son passage à Carcassonne.
Henri II de Montmorency
Musée du Louvre
Le gouverneur du Languedoc eut un destin tragique puisqu'ayant comploté contre Richelieu avec Gaston d'Orléans, il passa sur le billot à Toulouse en 1632 après avoir été arrêté à Castelnaudary. Une plaque posée sur les pavés de la cour de l'Hôtel de ville de Toulouse (Capitole), rappelle l'emplacement de l'exécution d'Henri II de Montmorency.
Place Henri IV
Capitole de Toulouse
La maison, sous l'Ancien-Régime, passa entre les mains de plusieurs bourgeois et marchands drapiers. On voyait encore il y a quelques années, l'inscription suivante sur une dalle de la façade extérieure :
Lo camin gran de la Trivallo, 1687"
Au début du XXe siècle, le rez-de-chaussée était occupé par l'épicerie Ric. Simone Ric, épouse Pujol, vendit ensuite la maison par lots aux familles Bourdil, Galibert, Garcès et Sabatier. En 1973, le bâtiment - avant sa cession au Ministère de l'Urbanisme du Logement et des Transports - était la possession de 27 personnes différentes. Simone Ric vendit sa dernière part à l'état, le 18 décembre 1974. Le bec de gaz et la fontaine à droite, ont disparu depuis.
Description
© Ministère de la culture
La façade avant 1937
L'immeuble à trois étages possède une façade en pan de bois à colombage et des fenêtres à meneaux. Le Rez-de-chaussée est en pierre de taille. Dans la cour, une tourelle avec un escalier permet d'accéder aux étages supérieurs. À l'intérieur, on peut admirer plafonds, menuiseries et cheminées.
© Ministère de la culture
Une lente agonie
Malgré un classement comme Monument historique le 28 mai 1942, grâce à Charles Bourely - Architecte des Bâtiments de France - la maison est dans un pitoyable état au début des années 1960. L'Association des Amis de la Ville et de la Cité par la voix de Simone Cahen-Salvador, sa présidente, s'émeut du sort de la vieille bâtisse en 1961. Elle cherche d'abord à s'assurer du soutien de personnalités. Les chambres de commerce et d'agriculture acceptent de financer les études de rénovation au moyen d'une subvention ; elle ne sera jamais allouée. En 1967, Me Pech de Laclause propose que le bâtiment accueille un musée du folklore et des traditions occitanes. Peine perdue...
Au bout du compte, les Bâtiments de France voulurent s'y installer. Alors même que l'état s'était désintéressé de son sort, la maison passa entre ses mains en 1973. Un crédit d'impôt de 500 000 francs est attribué pour les premiers travaux, à l'issu des études vers 1975. Des travaux qui s'amenuisent ensuite, pour cesser complètement quelques années après, dans l'indifférence générale.
Voici le triste spectacle auquel les Carcassonnais assistèrent pendant plus de quinze ans. Les échafaudages restèrent en place ; on se demanda si le bâtiment ne finirait pas entièrement ruiné. Une délibération du Conseil municipal en date du 10 décembre 1985 décide du rachat par la ville de Carcassonne à l'état, de la maison Montmorency pour le franc symbolique. Cinq ans plus tard, la municipalité Chésa vendait à Roland Alvaro - ancien élu de cette même municipalité - la bâtisse pour le franc symbolique. Un cadeau un peu empoisonné pour le nouveau propriétaire qui, pour la restaurer, dut s'entendre avec les agents du Ministère de la culture.
La restauration
Aspect de la façade en 2015
© Ministère de la culture
En 1937
© JL Bonnet
La façade intérieure côté nord, en 2015
© Ministère de la culture
En 1937
Cette maison appartient encore aujourd'hui à Roland Alvaro. Il n'y a semble t-il pas de projet à vocation culturelle, qu'elle pourrait abriter prochainement. En 2011, elle a même accueilli une bodéga, le temps de la Féria de Carcassonne. Il est probable que M. Alvaro souhaite la vendre, sachant qu'il ne récupèrera jamais les sommes qu'il a englouties pour la restauration de la maison du sieur Montmorency.
Sources
La Trivalle / Dr Vivès / 2004
Ministère de la culture
Midi-Libre / 8 avril 1984
AAVC
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