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  • Cette princesse ukrainienne qui tua le mari de ma grand-mère à Sigean

    Ce 18 août 1931 Joachim Alay, originaire de Figueras mais résidant à Carcassonne, revient à motocyclette de Rosas où il a participé à un concours de sardanes. Sur son porte-bagages, il ramène son camarade Georges Dietsch, coiffeur comme lui chez Bosc dans la rue de la mairie. À cette époque, la route nationale en direction de Narbonne passe par le Hameau du Lac à Sigean. Venant à vive allure depuis l’allée de son château dans une très belle automobile, la comtesse Lareinty de Tholozan s’engage sur la route sans regarder. Son véhicule ne peut que heurter de plein fouet, l’équipage venant en direction du hameau.

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    Le choc est terrible ; les deux hommes sont projetés à plusieurs mètres. Les ouvriers agricoles travaillant dans les champs à proximité ont entendu le bruit, mais ne s’en procurent guère. La comtesse, quant à elle, ne s’arrête même pas afin de porter assistance aux blessés. Elle continue sa route en toute impunité. Georges a été tué sur le coup ; Joachim agonise pendant des heures sur le bas-côté. On légitimement penser qu’en 1931, la circulation n’était pas aussi dense qu’aujourd’hui. Après plusieurs heures, on transporte enfin Joachim à Narbonne en état de mort clinique. Il y décédera dans la soirée. La gendarmerie dresse les premières constatations et mène l’enquête. Qui est donc la responsable de cet accident ? Pourquoi n’a-t-elle pas stoppé son véhicule ?

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    Il s’agit de la comtesse de Baillardel de Lareinty, née princesse Zénaïde Pavlovna Demidoff à Kiev en 1899. Son beau-père, le prince Kotchoubey, était l’héritier du trône d’Ukraine. Le comte Foulques de Baillardel de Lareinty-Tholozan (1895-1944), aide de camp du général Janin pendant la Grande guerre avait suivi ce dernier à Saint-Pétersbourg où il occupait les fonctions d’attaché militaire. Le 25 juillet 1917, Foulques qui avait été adopté par le prince Kotchoubey, épousa Zénaïde Demidoff. La Révolution russe les força à rentrer en France. Ils allèrent s’établir au château du Lac à Sigean. Le comte habita dans sa demeure avec sa femme, ses deux enfants (Honoré et Consolata) et sa tante, Madame la duchesse d’Uzès. Son cousin, le prince Félix Ioussoupoff, conjuré dans l’assassinat de Raspoutine, vint à plusieurs reprises en son château.

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    Foulques, Zénaïde et leur fils

    Dans ce domaine de 760 hectares et ce château de 365 fenêtres, le couple princier mena grand train. On y organisa de grandes fêtes avec toutes les notabilités du coin et les ouvriers agricoles. La crise de 1929 les rattrapa ; la décadence les gagna peu à peu. Le comte menait jusqu’ici une vie peu conventionnelle en rapport avec son époque. Très gentil avec les gens, il était capables de tous les excès pour défendre ses idées. La ruine financière eut bientôt raison de son mariage, mais surtout du château qu’il entreprit de dépecer. Au début de la Seconde guerre mondiale, il avait fait démolir un étage pour soulager ses dettes. Deux ans plus tard, le comte se dessaisit rendit la demeure à l’état de ruine afin de ne plus payer l’impôt. Il vécut dans l’un des deux pavillons des domestiques, joua au casino pour se refaire et chercha même un trésor. 

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    Quand les Allemands envahirent la zone sud à partir du 11 novembre 1942, le comte s’imagina ressusciter son empire. Les nazis lui en firent la promesse. La victoire de l’Axe en URSS lui assurerait une place sur le trône d’Ukraine, en qualité de prince Kotchoubey, Chambellan du tsar et Roi d’Ukraine. Foulques, héros de 14-18 s’engagea dans les Waffen-SS français avec le grade de Hauptscturmführer. Il s’exhiba même en uniforme dans les rues de Sigean et de Narbonne. Son fils fut envoyé sur le front Russe ; il n’en revint pas. Le comte se remaria en mai 1944 avec Louise Sursock, une libanaise.

    À la Libération, les maquisards se rappelèrent au souvenir du comte. Ce dernier, convaincu qu’il ne risquait rien, demeura chez lui. Il aurait fait passer des plans des fortifications allemandes à l’Intelligence service. Arrêté et menotté, on l’emmena à la mairie de Peyriac-de-mer puis à la prison de Narbonne. Condamné à mort pour trahison par la Cour martiale, Foulques de Baillardel de Lareinty fut fusillé par les FTPF. Ceci malgré l’arrivée d’un télégramme accordant la grâce au condamné. Son épouse avait fait jouer ses relations auprès du général Catroux ; il assurait une mission depuis 1943 au Liban avant d’être nommé par De Gaulle à la tête du gouvernement d’Alger. 

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    Joachim Alay, accroupis avec ses enfants. Carmen, ma grand-mère est enceinte du quatrième.

    Un procès, qui dura plusieurs années fut intenté à la comtesse de Lareinty, impliquée dans le décès de Joachim et de Georges. Seulement voilà, les appuis de la princesse étaient sans commune mesure avec ceux dont bénéficiait ma grand mère. Veuve, avec quatre enfants en bas âge, il lui fallut bien du courage. Il n’obtint pas les réparations financières qu’elle était en droit de percevoir. Catalane, ne parlant pas bien le français, elle se fit rouler dans la farine. Elle se remaria quelques années plus tard avec mon grand père. La princesse Pavlona Demidoff mourut en 1981.

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