Nous avons trouvé dans un vieux grenier une vieille chanson oubliée, composée par Jacques Sabatier. Il s'agit d'une ode au Païchérou, lieu de rendez-vous en tous genres des Carcassonnais. Ce site magnifique inspira bien des poètes, comme par exemple les deux Achille : Mir et Rouquet. C'est dans la guinguette tenue par Madame Brémond, qu'à la fin du XIXe siècle on venait admirer l'embrasement de la Cité tout en dégustant une friture de goujons pêchée dans l'Aude. On y sirotait également les apéritifs de la distillerie de Michel Sabatier comme l'Or-Kina. Cet ingénieux industriel originaire de Limoux était passé maître dans la publicité, car il n'avait son pareil pour mettre en avant ses produits. Il finançait grâce à ses œuvres de mécénat la vie culturelle de la ville et possédait même à l'intérieur de son usine, un orchestre dans lequel jouaient ses ouvriers. Son fils Jacques, composait de la musique et pratiquait le violoncelle. C'est lui qui dirigeait l'harmonie de la Micheline. La Micheline étant cette liqueur dont la légende prétend que la recette ancestrale aurait été trouvée dans une des tours de la Cité.
Au-delà de cette bluette musicale dont l'intérêt mélodique s'arrête à l'esprit des fêtes de cette époque, c'est le texte qu'il nous faut retenir. Il incarne bien fort l'ambiance de Païchérou, une païchère en occitan. C'est-à-dire une retenue d'eau sur une rivière. A Carcassonne, un lieu où l'on venait se rafraîchir l'été, se baigner, pêcher et se divertir.
Poésie sur le Païchérou
Qu’il fait bon le matin, devant l’aube vermeille,
L’amour de la nature, en notre cœur s’éveille ;
Le silence troublant inspire le poète
Pour de sublime chants, sa lyre est déjà prête
C’est bien là, le séjour, le site, le rivage
Dont notre âme rêveuse, évoque les images
Et font, pendant les nuits, nos songes les plus beaux
Pour enchanter nos yeux, composent les tableaux.
La Paix, la Liberté, ces deux trésors du monde !
Voilà, ce que l’on a, dans ce beau paradis
Loin du bruit de l’acier, fruit de la guerre immonde
Dans le calme profond, comme une belle nuit…
L’hiver on y patine, et l’été on y danse
Agréable pays, l’un des plus beaux de France
Jusqu’aux oiseaux chanteurs, les hôtes de ces bois
Se plaisent à charmer, par leur très douce voix
Voici, ce qu’il vous faut, pour séjour, pour demeure,
C’est ici qu’on s’amuse, que l’on rit, que l’on pleure
Les yeux sur les enfants, que l’on voit sommeiller
Entendre les oiseaux, près de nous, gazouiller…
Lorsque le Barde ailé, commence ses roulades
L’on aime à écouter, ses trilles, ses cascades
Dans une haie fleurie, charmant endroit béni
C’est là, qu’il a construit, son gentil petit nid
Voyez l’étroit sentier, du café du Bosquet
Qui mène au pavillon, confortable et coquet,
Et la place, où, parfois, la musique divine,
Donnait de beaux concerts, c’est « la Micheline »
Les savants, les artistes et les gloires françaises
Ont honoré ces lieux d’amour et d’allégresses
Mais les ans ont passé et pour tout souvenir
Nous ont recommandé, très souvent d’y venir
Dans ce lieu de plaisir, sous de riants ombrages,
Le pêcheur, à sa ligne, les musicien ses chants ;
Le danseur, peut rêver, au pas des rythmes lents ;
Le peintre, peut brosser d’intéressants mirages.
Sous les jolis palmiers des repas sont servis,
Et comme à Robinson, l’on y va en amis
L’accueil en est charmant, l’on vous met à votre aise
Sans être chez Auter, on tâche que tout plaise.
Les jolies mariées, comme en pèlerinage
Viennent dans notre Eden, fleurs blanches au corsage
Escortées d’invités, la mine guillerette
Offrir à Cupidon, leur frais bouquet de fête.
Les passeurs font glisser leurs légères nacelles
Sur les flots argentés, formant des étincelles;
Au loin, le beau décor offert par la Cité
Spectacle ravissant, l’hiver comme l’été.
La pêche a ses fervents, car les poissons nombreux
Font des bonds étonnants et même aventureux
Le roseau est lancé, mais surprise inouïe
Un gros poisson est pris et souvent par l’ouïe.
Les mignonnes, vénus, font aussi leur trempette
Chefs-d’œuvres d’art vivant, sans tube ni houpette
Leurs jolis bras en l’air, jetant des cris au vent
S’ébattent à plaisir, tout en se poursuivant.
Voyez en plein été, de gais sportifs s’abattent
Brassent avec vigueur, l’onde striée d’agate
Leurs prouesses nautiq’ vous donnent le frisson
Puis, chacun sort de l’eau, sifflant comme un pinson
Source
Le Païchérou et son lac / J. Sabatier / Juillet 1939
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