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  • L'inauguration de la plaque en hommage à Pierre Sire dans la Cité

    Dans la Cité de Carcassonne, ont peut apercevoir une plaque sur la façade d'une maison de la rue Porte d'Aude. Cette maison appartient à Madame Sylvie David, la fille de M.Henri Tort-Nouguès descendant des écrivains Pierre et Maria Sire. 

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    Cette plaque a été apposée en 1978 afin de remplacer la précédente, qui ne mentionnait pas le nom de Maria Sire. Et pour cause... C'est le 24 octobre 1948 qu'un hommage est rendu à Pierre Sire († 1945) par ses amis, la famille et les Carcassonnais en présence de Jean Lebrau, René Nelli, Ferdinand Alquié, Henri Tort-Nouguès. Une première plaque est ainsi dévoilée.

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    Ce jour-là le poète Jean Lebrau (1891-1983) prononça un discours, que nous avons la chance de pouvoir vous communiquer. Quel trou culturel avons-nous creusé dans ce département depuis la morts de ces intellectuels audois, à tel point que l'on préfère désormais valoriser ceux qui nous sont étrangers.

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    Jean Lebrau pendant son discours

    J'apporte à la mémoire de Pierre Sire avec l'hommage très ému de mon amitié, celui de la Société des Gens de Lettres.

    Et le vent aux cyprès des collines lointaines

    Portait le noir secret des songes de la mer...

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    Ces deux vers de Pierre Sire pourraient servir d'épigraphe à son oeuvre et à sa vie inséparable de son oeuvre, de l'oeuvre de Pierre et Maria Sire. Le vent, les cyprès, les collines, la mer, tout y est, mais aussi le noir secret qui était peut-être pressentiment d'une trop prompte destinée, ou, plus systématiquement encore, le secret auquel Joë Bousquet obéit lui aussi quand il parle du "Midi noir", noir à force de lumière, secret sous les paroles dont on peut bien lui faire renommée tapageuse sans forcer les retraites où des êtres comme Pierre Sire, ne cessent pas de faire oraison.

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    Ses paroles notre ami ne les dispersait point au vent. Mais une telle réserve ne pouvait éloigner que les indignes et c'est bien ce qui tout d'abord attirait chez lui pour retenir sans retour. Elle est dans l'oeuvre comme elle était dans l'homme et il n'est pas surprenant qu'un îlot des étangs septimaniens ait inspiré à Pierre et Maria Sire, le très beau livre pour lequel des amis avaient souhaité et auraient obtenu le Grand Prix de prose que l'Académie des Jeux Floraux décerne rarement dans on intégralité, si une main d'ombre, un fiel anonyme n'avaient fait échouer ce juste projet. Basile hélas... a toujours raison même contre l'évidence. Cette ombre de l'envie ne pouvait atteindre Pierre Sire mais les amis qui voulaient pour le livre, le laurier toulousain n'ont pas perdu le goût de ce fiel. "Le Clamadou" n'en pas moins intégré au paysage littéraire français, si l'on peut dire, cette côte où le ciel, la terre, les eaux recomposent sans cesse un mirage qui n'est jamais le même un seul instant ; Moréas aimait ces étangs, et disait avec sa superbe coutumière : Je les ai chantés dans "les stances"...

    Bien qu'ainsi tu te couronnes

    D'une écume au goût amer,

    Etang, qui, pâle, frissonnes,

    Tu n'es pas encore à la mer.

     

    Non, c'est la ligne menue

    De ce sombre azur là-bas

    Qui mon âme a seule émue,

    Mes yeux ne la quittent pas

     

    Ils dévorent la distance

    Mes yeux, coureurs sans repos, 

     Mais mon amour les devance

    Et se mêle avec les flots.

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    On ne peut désormais traverser cette étrange région, d'une miroitante mélancolie, sans penser au "Clamadou" et voilà pourquoi il n'eût pas été superflu d'attirer sur ce livre, au lent et sûr cheminement d'ailleurs, l'attention d'un plus large public par une distinction académique. 

    A propos de Paul Lacombe, dont la musique est elle aussi inséparable de nos paysages, François-Paul Alibert écrivait un jour : Il n'y a pas plus de musiciens régionalistes que de peintres ou poètes régionalistes ; les artistes qui s'en réclament n'ont jamais rien compris à la réciproque inclusion du particulier et de l'universel. Où que ce soit, un buisson de roses, une treille en fleur, un ruisseau qui murmure, une nuit d'étoiles, un chant de rossignol ne sont point d'ici ou de là, mais de partout et de toujours, et suffisent, quelle que soit la langue où l'on s'exprime, de la plus simple à la plus savante, à vous faire découvrir les subtiles relations, les secrètes correspondances qui se nouent et se dénouent entre toutes les beautés de l'univers sensible et spirituel. 

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    Mais, une autre fois, parlant à Perpignan de Déodat de Séverac, que tant d'affinités rapprochent à Pierre Sire, disait : Cette expression, ce rythme qu'il puisait d'abord, semble t-il, au sein même des forces naturelles, Déodat de Séverac les devait avant tout à son génie et aussi à l'amour qu'il nourrissait pour le coin de terre où il était né.

    Ainsi l'oeuvre qui se rattache au coin de la terre où elle est née atteindra t-elle tout naturellement à l'universel si elle a des ailes assez fortes, et nous ne dirons pas de l'hirondelle qu'elle est régionaliste parce que volant dans l'univers, d'un continent à l'autre, elle reste cependant fidèle et revient au nid grumeleux sous la tuile languedocienne.

    Si pour beaucoup d'entre nous le petit village de Grèzes est désormais inséparable des poèmes d'Albert, parmi les plus chers, ou cette thébaïde sentant la résine et la rose sèche, entre Montlegun et Palaja, des plus sensibles pages de Joë Bousquet, il n'en résulte pas qu'Albert et Bousquet sont des écrivains régionalistes, pas plus que Pierre et Maria Sire.

    Puisque le souvenir de Déodat de Séverac est venu se lier, comme ces bouquets de bleuets et d'épis qu'on met aux croix des rogations, à la mémoire de Pierre Sire, ne faut-il pas remarquer que ces deux artistes, ces deux inspirés du Languedoc avaient essentiellement demandé au sol, non seulement tous les secrets de cette inspiration, les aliments de leur feu, de leur génie, mais encore aux vents qui ne le laissent jamais en repos, le vent aux cyprès des collines lointaines. Tous ces airs d'autrefois dont il est le grand répertoire, pour les avoir écoutés aux portes des veillées, sur la glèbe ou sur l'onde, ou près des amoureux quand il les circonvient comme pour les obliger à se serrer davantage, l'inépuisable folklore de notre terre dont Pierre et Maria Sire furent et restent les patients, les scrupuleux, les initiés mainteneurs, les sourciers.

    Des coteaux de Saint-Félix aux criques catalanes, aux virgulions bocages de Créer, Séverac accomplit sa destinée, tôt abrégée comme celle de Pierre Sire, attentif à la moindre des ces chansons populaires auxquelles musique et poésie doivent souvent leurs frémissements les plus profonds.

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    Des garrigues de Narbonne où le cyprès lui donna, lui montra la leçon de son intégrité et de sa flamme, aux coteaux de la Malepère si dépouillés eux-mêmes sous le brasillement des genêts, jusqu'à cette maison qui est devant nous comme un visage toujours vivant, Pierre Sire accomplit lui aussi son destin, fidèle à cet idéal de bonté, de justice, de ferveur dans l'accomplissement de sa tâche, de ses tâches, idéal qui n'est autre que l'idéal chrétien qu'on soit croyant ou non, sur lequel il paraissait se replier soudain comme pour en retrouver la force aux heures difficiles, dans le doute de l'oeuvre à laquelle on s'est donné, dans les graves conjonctures où il se trouvait mêlé, conjonctures militaires qui durent lui faire maintes fois serrer les dents, conjonctures civiques éprouvant de chères amitiés. L'après-midi dominicale où je le vis pour la dernière fois ici même il s'était préoccupé, un pli douloureux sur le front, que des erreurs qui se commettaient et de sa vaine impatience à les corriger, lui qui n'avait jamais fait durant les sombres jours que ce qu'il fallait faire, que ce que chacun de ses amis aurait fait s'ils avaient pu toujours regarder en lui.

    Sa bonté se manifestait sous toutes les formes, à l'égard des bêtes - Sire était une âme franciscaine - comme à l'égard des gens, et qu'on me pardonne, serait-ce en souriant, de rappeler ici un trait qui me toucha tout particulièrement. Mêlé un jour à une partie de chasse, à son coeur défendant j'imagine. Pierre Sire prit son chien dans ses bras pour lui faire traverser un chaume. Le poète n'avait pas réfléchi un instant que son geste serait comique aux yeux de ses compagnons. Il n'avait pas vu que les entailles du chaume et pensé tout de suite que son chien pourrait se blesser. Il suffit d'un geste pareil pour en conjurer bien d'autres et il dut bien y avoir au bord du champ quelque fleur pour regarder Pierre Sire d'un oeil attendri.

    Ce n'est qu'une image, pas une image d'Epinal nous montrant le soldat à la guerre ou l'instituteur à son pupitre, mais une image de légende. Pierre Sire devait les aimer comme il aimait les enfants, prédestiné à devenir pour eux le meilleur des maîtres quand il écrivait : "Ne peut devenir votre ami que celui qui est digne d'entrer au coeur de votre enfance." Il pensait aussi sans doute que pour pénétrer le coeur de l'enfant, il faut d'abord être son ami. Ce n'est pas donné à tout le monde et voilà pourquoi la profession d'instituteur qui fut la mienne, n'est pas un métier mais une vocation, une mission des plus difficiles, des plus délicates.

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    Pierre Sire

    Une image... mais oui. Pourquoi plutôt que de la revoir exténué, brisé, à bout de vie sur un lit de souffrance, ne songeant d'ailleurs qu'à nous laisser par ses derniers mots, bonté suprême, comme un viatique dont chacun pourrait se souvenir pour bien aborder à son tour le ténébreux passage, ne pas l'imaginer, le voir encore s'en allant à travers le chaume, son chien dans les bras, et puis disparaissant dans cette lumière de nos étés où tout s'abolit ?... Pour moi, cela m'est doux comme son poème tout plein de silence, "à l'heure où le village est vide"...

    Pierre Sire, vous écriviez :

    Les seuils

    Ne gardent pas l'empreinte

    De ceux qui partirent.

    Mes pas derrière moi

    Ne laisseront que le silence...

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    La maison de Pierre et Maria Sire à la Cité

    Nous n'avons pas voulu qu'il en fût ainsi, du moins aux yeux des passants car en chacun de nous, vos amis, c'est souvent que vous tenez votre promesse :

    Un matin, 

    A l'heure des maisons abandonnées

    Je reviendrai

                                                                                             JEAN LEBRAU, 24 octobre 1948

     

    Merci à Mme Sylvie David pour son aide

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  • L'histoire du jardin Pierre et Maria Sire, au pied du Pont vieux

    Sur ce terrain situé au pied du Pont vieux et à l'entrée des vieux faubourgs de la Trivalle et de la Barbacane, se trouvait autrefois des étendoirs. C'est là que l'usine Farge qui occupait l'ancienne manufacture royale de la Trivalle, faisait sécher les draps et chiffons.

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    Les casemates allemandes en 1944

    Quand Carcassonne fut occupée par les Allemands à partir de novembre 1942, les entreprises réquisitionnées construisirent à cet endroit des casemates et des blockhaus. Cette zone était rigoureusement interdite aux civils et constituait un point stratégique pour la défense Allemande. A la Libération, l'ensemble de ces constructions militaires furent détruites et le terrain retrouva son aspect d'origine.

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    Le futur jardin Pierre Sire en 1945

    Dans sa séance du 30 janvier 1947, le conseil municipal de Carcassonne dirigé par le Dr Henri Gout décide d'honorer la mémoire de Pierre Sire (1890-1945). Il est prévu sur ce terrain la construction d'un jardin qui portera le nom de cet écrivain et poète Audois, prématurément décédé. Une partie de ces terrains avait acquise en 1937, l'autre partie le fut en 1945.

    Nous avons déjà écrit un article sur Pierre Sire, que vous pouvez consulter ci-dessous.

    http://musiqueetpatrimoinedecarcassonne.blogspirit.com/archive/2016/11/29/pierre-sire-222666.html

    En mai 1950, la ville présente le projet d'aménagement paysager réalisé par l'architecte parisien M. Brice. Depuis un certain temps, l'emplacement des pelouses avait été bêché, ratissé et le gazon semé. Selon, les plans de l'architecte des arbres ont été plantés et dispenseront ombre et fraîcheur, les murettes du pourtour édifiées et des bancs complèteront bientôt l'ensemble. 

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    Le jardin Pierre Sire dessiné par M. Graza en 1950

    Ce nouveau jardin sera inauguré le jeudi 22 juin 1950 par Marcel Itard-Longueville - maire de Carcassonne. On notera la présence de Maria Sire - épouse de Pierre Sire - et de M. Bruguier , sénateur du Gard et ami de la famille. René Nelli dans son allocution retracera les grandes lignes de la vie du poète. 

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    Monument à Pierre Sire

    Le samedi 7 juillet 1951 à 18h, une foule importante s'était massée dans le jardin Pierre Sire pour l'inauguration du monument lui rendant hommage. Le médaillon à l'effigie du poète avait été réalisé par le sculpteur Paul Manaut. On notait les présences à cette manifestation de MM. Picard (Préfet de l'Aude), Francis Vals (Député et ancien Résistant), Georges Guille (Député), Jules Fil et Philippine Crouzat (Adjoints au maire), Henri Gout (ancien député), Noubel (Conseiller général), Laurens (Inspecteur d'Académie), Vidal (Proviseur du lycée), Sirven (Directeur du petit lycée), Blaquière (Archiviste départemental), Vincent Jordy et Louis Amiel (ancien adjoints au maire). Les membres des Associations des prisonniers de guerre et de la Résistance. L'association des Amis de Pierre Sire au rang desquels René Nelli, Patau, Chaussade, Llobet, Abadie, etc...

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    Régine Tort, Henri Tort-Nouguès et Raymond Chésa

    Le Vendredi 20 septembre 1985, le maire Raymond Chésa inaugurait le médaillon à l'effigie de Maria Sire sur le monument qui jusque-là ne possédait que celui de son époux. En préambule, Henri Tort-Nouguès - neveu des Sire - ne pouvait s'empêcher de parler de l'émotion qui l'étreignait à l'heure où, après de longues années d'attente, on allait, enfin honorer ses "parents". 

    "Ceux qui me connaissent, savent que je dois à mon oncle et à ma tante tout ce qui fait ma richesse..."

    M. Henri Tort-Nouguès - ancien Grand maître de la Grande loge de France - remerciait Raymond Chésa d'avoir, voulu honorer deux enseignants qui consacrèrent leur vie à l'éducation des enfants et à l'enrichissement de notre langue et de notre spiritualité.

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    Pierre et Maria Sire

    Raymond Chésa commençait son discours par :

    "Erckmann et Chatrian ont rempli de gloire l'est de la France. Nous sommes, nous, méridionaux, heureux de pouvoir rappeler en ce jour qu'un couple d'instituteurs audois, au-delà de son enseignement fondé sur le respect de chacun, a su enrichir notre patrimoine culturel en publiant sous la même signature une oeuvre imposante dans la grande tradition de nos écrivains régionalistes : "L'homme à la poupée", "Le Clamadou", "Marthe et le village" pour ne citer que quelques titres, n'ont rien à envier aux livres d'un Ramuz, d'un Pourrat ou d'un Giono qui, pour ce dernier, comme Pierre et Maria Sire, était instituteur.

    Le foyer intellectuel qu'ils créèrent sans la recherche d'une quelconque notoriété brûla de ce feu dévorant qu'alimentèrent si longtemps les familiers du couple : Jean Camp, Claude-Louis Estève, Ferdinand Alquié, René Nelli et Joë Bousquet, cohorte impressionnante, cortège lumineux que ces apôtres de l'esprit et des mots."

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    L'assistance et les élus

    Parlant ensuite des "grands principes" qui guidèrent la vie de Pierre et Maria Sire, le maire se laissait aller à un long pensum sur la laïcité en général et sur Jules Ferry en particulier : "Particulièrement respectueux de la conscience religieuse et partisan de la plus large liberté sous réserve des droits de l'état."  Raymond Chéa termina son discours par cette phrase...

    "Quelle chance d'avoir pour Carcassonne un tel homme, adversaire du sectarisme et militant de la vérité."

    Sources

    La dépêche / 22 septembre 1985

    La dépêche / Mai 1950

    L'indépendant / 23 juin 1950

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  • Raymond de Mostuéjouls (1275-1335), évêque de Saint-Papoul et cardinal

    Raymond de Mostuéjouls naît au château de Mostuéjouls, dominant la vallée du Tarn, aux limites du Rouergue et du Gévaudan vers 1275, de Richard de Mostuéjouls, chevalier, et de Guillemette, son épouse. Sa famille est fort ancienne, fort riche et fort puissante aussi.

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    Raymond de Montuéjouls

    Une partie de la jeunesse de Raymond de Montuéjouls se passe au château familial avec Guillaume, son frère aîné et futur Sénéchal des Comtés de Rodez qui signera en 1303 l'acte d'adhésion des barons à l'appel du roi Philippe le Bel contre les entreprises du pape Boniface VIII, de ses soeurs, Guise, Fine et Wassadelle enfin qui épousera le chevalier de Lordet de Chirac et dont l'un des fils, Albert, sera évêque de Mende de 1331 à 1336.

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    De gueule à la croix fleurdélisée d'or, cantonnée de quatre billètes de même.

    Raymond de Montuéjouls a une dizaine d'année lorsque meurt son père. L'éducation du jeune orphelin est assumée par sa mère que les contemporains peignent comme une femme très intelligente. Très tôt, il part pour l'abbaye de Gellone (Saint-Guilhem-le désert) où son oncle Guillaume est abbé depuis 1289. Là, il va vraisemblablement effectuer ses études secondaires. On ne sait où il va poursuivre ses études supérieures, mais nous savons qu'à 25 ans à peine il peut coiffer le bonnet carré de Docteur en décrets. Il retourne alors à Saint-Guilhem-le désert, le puissant monastère que le pape Alexandre II vient d'ériger en abbaye avec juridiction épiscopale sur deux paroisses et sur le reste de la vallée de Gellone, qui ne dépendront dès lors que du Saint-Siège. Là, c'est son oncle l'abbé qui lui confère la tonsure monacale en 1301. Deux ans plus tard, à la mort de ce dernier, la communauté se divise à propos de l'élection de son nouveau supérieur. Pour sortir de l'impasse un compromis est trouvé : deux ou trois religieux, élus comme grands électeurs désigneront le futur abbé. Au nombre d'entre eux, Raymond est choisi malgré son jeune âge et son peu d'ancienneté monacale.

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    Jean XXII

    Peu de temps après, il est nommé camérier, poste très important car il faut à ce poste administrer tout le temporel du monastère. Les solides qualités dont il fait preuve lui valent d'être nommé prieur de Saint-Martin-de-Londres (Diocèse de Maguelone) qui dépendait de Saint-Guilhem-le désert. Six ans plus tard, en juillet 1316, il est élu abbé de Saint-Thibéry où il arrive au mois de juillet. Le 7 août, le cardinal Jacques Duèze dont il est le chapelain est élu pape et prend le nom de Jean XXII. Dès lors, le destin du jeune abbé va être lié à celui du nouveau pontife et à peine a t-il le temps de prêter serment de fidélité et d'obéissance au roi le 30 avril 1317, que le pape le nomme évêque de Saint-Flour ; évêché qu'il vient de créer avec plusieurs autres au nombre desquels Saint-Papoul.

    Peu après son intronisation, Raymond de Montuéjouls reçoit une mission diplomatique importante. Jean XXII le nomme Nonce apostolique et lui adjoint un autre Rouergat, Béranger de Landorre, Maître général des Dominicains. Le but de leur mission est très ambitieux : arriver à calmer l'un des plus grands féodaux de ce temps, le bouillant Robert d'Artois et son allié du moment, le puissant comte des Flandres, tous deux en révolte contre le roi Philippe le Long. les troubles que les deux complices entretenaient en Artois, Picardie et Flandres mettaient le royaume en difficulté et rendaient impossible le projet royal d'une nouvelle croisade en terre sainte. 

    En 1318, Raymond reçoit une nouvelle mission capitale pour l'avenir de l'église. En effet, depuis de nombreuses années, les propositions théologiques de Jean Olive († 1297 à Béziers) que continuent de soutenir plusieurs membres de son ordre, celui des Frères Mineurs, empoisonnent le débat ecclésiastique. Jean XXII comme alors une commission de 12 docteurs pour juger ces thèses. C'est Raymond de Montuéjouls qui prononce la sentence qui condamne avec force ces propositions comme hérétiques et par ordre du pape, les livres de Jean Olive seront brûlés en place publique. Au service du Saint Siège, Raymond n'en est pas moins évêque de Saint-Flour, et le jeune diocèse se doit d'être administré avec rigueur : accaparé, le prélat délègue ses pouvoirs et il nomme deux vicaires généraux pour l'administration spirituelle de son diocèse et établit quelques offices pour le temporel.

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    Evêque de Saint-Papoul

    Le 22 avril 1319, Raymond de Montuéjouls est transféré à Saint-Papoul où le siège est vacant depuis 16 mois. Pendant cette très longue vacance, c'est Arnaud Amiel, aumônier du chapitre de Saint-Papoul qui a administré le diocèse. A l'arrivée du titulaire du siège, Arnaud est nommé par le pape, abbé de Psalmodi. Plusieurs raisons peuvent expliquer la nomination de l'évêque de Saint-Papoul. 

    - La ville épiscopale et le Lauragais sont plus proches de la Cour d'Avignon que Saint-Flour et l'Auvergne.

    - Le peu d'étendue du diocèse exigerait moins de présence du jeune prélat qui pourrait travailler plus souvent à Avignon.

    - Bien que petit, le diocèse procurait néanmoins à son titulaire 22000 livres de revenus au lieu de 12000 à Saint-Flour.

    De plus, et c'est une constance de la politique pontificale, Jean XXII tenait à ce que ce soit un évêque d'origine bénédictine qui soit nommé là où il y avait un chapitre cathédral bénédictin.

    En 1320, Raymond prend consciences de la nécessité de transformer dans les faits ce qui l'avait été dans le droit, pour que l'ancien chapitre abbatial érigé en chapitre cathédral remplisse correctement son rôle. Pour cela, il rédige avec le prieur claustral des statuts remarquablement précis, dans lesquels il définit le rôle de chacun. Ces statuts prévoyaient aussi que pendant quatre ans, les prébendes de trois dignitaires seraient suspendues pour faire face aux dépenses des nouveaux bâtiments (probablement l'aménagement du coeur et la construction de la salle capitulaire effectués sous l'épiscopat de Bernard 1er de la Tour).

    A peine trois mois après sa nomination à Saint-Papoul, Raymond de Montuéjouls est nommé par le pape avec jean de Comminges, archevêque de Toulouse, et Jacques Fournier, évêque de Pamiers, membre du tribunal chargé de juges les spirituels. Cette affaire, tant religieuse que politique, va passionner le midi de la France. En effet, l'ordre de Frères Mineurs est secoué par de violentes disputes qu'animent Michel de Césène, général de l'ordre et Guillaume Ockam, provincial de Bavière, au sujet d'une interprétation de la règle contaire à celle des papes Nicolas II et Clément V, portant sur la notion de propriété individuelle ou collective des ordres Mendiants, et repoussant la pauvreté dans ses extrêmes limites. Le pape craint que sur ce débat, toute l'église se divise. Le principal foyer de l'agitation est à Carcassonne où l'inquisiteur tente un retour au calme, mais où une violente campagne d'attaques et d'injures se développe contre lui. Les passions politiques s'en mêlent, le retentissement dans la population est très grand. Un homme échauffe les esprits par ses prêches enflammés dans la ville et la région, le frère Bernard Délicieux.

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    Bernard délicieux délivre les emmurés de Carcassonne

    A la fois, l'église et l'état lui reprochent :

    - De s'attaquer à l'Inquisiteur, mais surtout à l'Inquisition

    - D'essayer de détacher la région du pouvoir royal avec la complicité des Carcassonnais, du Syndic d'Albi et des habitants d'autres villes (Cordes).

    - De tenter de faire passer ces régions sous la tutelle de l'Infant du Royaume de Majorque.

    Ni l'église, ni la monarchie ne pouvaient tolérer de tels troubles dans deux zones aussi sensibles historiquement que le Carcassès et l'Albigeois où l'hérésie Cathare pour l'une, et rattachement à la couronne pour l'autre avaient laissé des souvenirs encore récents, présents dans les esprits et dans les coeurs. La répression va être féroce.

    En août 1319, les trois juges se réunissent à Castelnaudary. Un mois plus tard, Jean de Comminges se démet de ses fonctions. L'instruction du procès va continuer cependant, mais à Carcassonne même. Prudents, l'évêque de Saint-Papoul et celui de Pamiers vont s'entourer d'une commission de grands juristes tant l'affaire est délicate. C'est le 8 décembre 1319 que Raymond de Mostuéjouls et Jacques Fournier rendent leur verdict :

    Bernard Délicieux est condamné à être déposé et dégradé le jour-même. Il sera ensuite emprisonné à perpétuité, enchaîné, mis au pain et à l'eau, suivant sa conduite, sa peine pourra être allégée. C'est devant une foule considérable qu'a lieu sa dégradation sacerdotale. Le lendemain, il est emprisonné au Mur étroit entre la Cité et l'Aude.

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    © Musée des Augustins

    L'agitateur du Languedoc / J-P Laurens / Toulouse

    Le roi Philippe le Long est dépité : il écrit aux deux évêques en terme polis, certes, mais fermes, estimant que la justice ecclésiastique après avoir dépossédé le condamné du sacerdoce, aurait du le livrer au pouvoir royal (qui l'aurait condamné à mort). Le pape aussi leur fait connaître son sentiment mais demande que Bernard Délicieux ne soit plus revêtu de l'habit de son ordre et que sa peine ne soit pas assouplie.

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    © Dominique Baudreu

    Vestiges de la prison (Mur) à Carcassonne

    Dans cette affaire au retentissement national où tant d'intérêts étaient en jeu, les deux prélats s'en tièdement avec beaucoup d'honneur tant par leur esprit d'indépendance que par leur sciences juridique.

    La dernière manifestation de l'Inquisition va se dérouler à Toulouse en septembre de la même année, et le diocèse de Saint-Papoul y est concerné car certains accusés sont du Lauragais. Un grand procès public s'ouvre donc à la cathédrale de Saint-Etienne sous la présidence du Dominicain Bernard Guidonis, grand pourfendeur d'hérétiques, relaps, juifs, etc... Raymond de Mostuéjouls doit siéger à ce tribunal, mais pris par sa mission à Carcassonne, ne peut s'y rendre et délègue ses pouvoirs au Grand Inquisiteur. Le procès s'ouvre en présence d'une foule considérable et les représentants du pouvoir civil, sénéchal, Grand viguier, Juges royaux sont au premier rang. Les 56 prisonniers originaires des diocèses de Saint-Papoul, Toulouse, Cahors et Montauban adjurent tous, mais vont être très différemment condamnés. Neuf sortes de peines vont être prononcées :

    - La privation de tout office public et l'obligation de porter deux larges croix jaunes sur leurs vêtements.

    - L'obligation d'effectuer un pèlerinage mais sans porter la croix.

    - Le pèlerinage en portant la croix en des lieux très divers (Limoges, Vauvert, Le Puy, Rocamadour, Saint-Denis, Chartres ou Montmajour, etc...)

    - La condamnation à la prison perpétuelle 

    Confiscation des biens pour neuf personnes

    - Exhumation des restes d'un mort (mais sans brûler les ossements)

    - Exhumation des corps d'un homme et d'une femme qui seront brûlés

    - Quatorze personnes condamnées par contumace à être brûlées vives 

    - Quatre personnes dont un prêtre hérétique seront brûlées vives

    L'année 1320 commence pour l'évêque par l'arrestation puis l'extradition vers Pamiers, à la demande de l'évêque de la ville, Jacques Fournier, de deux suspects accusés d'hérésie. Les deux fugitifs - Béatrice de Planissoles et un prêtre d'origine espagnole, Barthélémy Amilhac, vicaire à Mézerville - seront arrêtés au Mas-Sainte-Puelles puis jugés à Pamiers.

    Dans la gestion de son diocèse Lauragais, Raymond de Mostuéjouls, se rend compte que le chapitre cathédral de Saint-Papoul avait des revenus insuffisants pour remplir correctement son rôle. En homme pratique, il décide de leur adjoindre ceux du prieuré de Montferrand dont lui seul avait la pleine collation.

    Notes

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    Benoît XII

    Raymond de Mostuéjouls est créé cardinal par le pape Jean XXII le 12 décembre 1327 à l'âge de 52 ans. Il mourra le 12 novembre 1335 à Avignon. Jacques Fournier, évêque de Pamiers, deviendra en 1334 le pape Benoît XII. Bernard Délicieux mourra très peu de temps après son emprisonnement en 1320.

    Merci à M. Julian Charles - descendant de Raymond de Mostuéjouls - pour sa communication.

    Sources

    Histoire générale du Languedoc

    Gallia Christiana

    Guide du visiteur de Saint-Papoul / Jean Blanc

    Hennet de Bernonville-Mélanges / Evêché de St-Papoul

    Un cardinal Rouergat / L. Garriguet-Carrière / Rodez 1924

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