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  • 5 février 1939 : 29 avions de la république espagnole se posent à Carcassonne.

    Le 5 février 1939, la guerre civile espagnole est considérée comme perdue pour le camp républicain. L’occupation de la Catalogne par les fascistes s’achève. Bientôt, près de 450 000 réfugiés vont se retrouver sur les routes de l’exil avec quelques valises pour tous bagages. Ce 5 février à Carcassonne, les élèves de la S.A.P s’entraînent à voler au-dessus de la capitale audoise. M. Andrieu et son élève viennent de décoller de Salvaza en Luciole et se dirigent vers le centre-ville. À 200 mètres d’altitude, ils aperçoivent alors devant eux une escadrille de 29 biplans. Le temps n’est pas au beau mais, plus près d’eux, le moniteur les reconnaît pour être des appareils espagnols. Un virage à 90° les porte en direction des Pyrénées. Comme la guerre d’Espagne bat son plein, M. Andrieu pense que cette formation rentre chez elle après une mission en France. N’y prêtant qu’une faible attention, il poursuit son circuit en double commande. Tout à coup, les avions réapparaissent devant lui. Au lieu de se diriger vers l’Espagne, ceux-ci virent à droite et descendent en direction de l’aérodrome de Salvaza. M. Andrieu, vire sec, se pose au début du terrain, court vers le hangar et s’empare de deux drapeaux ; l’un rouge et l’autre vert. Au milieu du terrain, se trouve déjà un espagnol en approche pour se poser. Avec les drapeaux, utilisant le code international, il guide les aviateurs à mesure de leur arrivée le long de la route de Montréal. Une fois arrivés, le moniteur se rend compte qu’il s’agit d’avions de chasse de type Chato.  Il les reconnaît d’autant plus que deux de ces appareils s’étaient posés le mois précédent dans un champ du côté de Moussoulens. Ce champ est devenu ensuite de le terrain de dégagement de Salvaza. 

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    Les avions Polikarpov I-15 gardés à Salvaza par la gendarmerie française

    Les pilotes espagnols sont amenés à l’Hôtel Central, situé sur le boulevard Jean Jaurès. Ils seront détenus par les autorités françaises. À Salvaza, des gendarmes prennent la garde, de jour comme de nuit, de ces 29 avions aux couleurs de la république espagnole. Des bottes de paille font un abri pour ces gendarmes dont le premier soin consiste à démilitariser les appareils. C’est-à-dire enlever les munitions des mitrailleuses de manière à ne plus risquer d’accident. Se conformer à la réglementation des pays non belligérants qui doivent désarmer les militaires franchissant leur frontière. Dans les jours qui suivent, des moniteurs venus de Châteauroux viendront pour convoyer les appareils à Francazal près de Toulouse. Pour l’heure, il faut mettre en marche des avions que personne ne connaît.

    « On a essayé tous les moyens de fortune dont un Sandow, un piquet pour coincer l’hélice, une camionnette pour tendre le Sandow, qui faisait sauter le piquet et faisait faire une paire de tours à l’hélice. Au bout de plusieurs essais, un seul avion avait pu être mis en marche. Les mécanos ont regardé de plus près et mieux compris le principe de démarrage, mais cela s’est avéré inutile car on a appris qu’au camp de Rivesaltes avaient été garés des véhicules ayant passé la frontière par la route. Parmi eux, une camionnette sur laquelle était monté un dispositif à moteur de mise en marche pour ce type d’avions. Aussitôt, une équipe a été envoyée pour la récupérer."

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    © Musée de l'air espagnol

    Avion Polikarpov "Chato" aux couleurs de la République d'Espagne.

    Que s’était-il donc passé pour qu’une telle escadrille survolât notre ville ? Les soviétiques avaient fournis à l’armée républicaine espagnole 93 appareils de type Polikarpov I-15 et I-15 bis, appelés respectivement « Chato » et « Super Chato ». Le 5 février 1939, ce sont 29 de ces avions qui décollèrent de Vilajuiga près de Figueras en Catalogne. À leur tête, le capitaine Emilio Galéra Macias.

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    Pilotes de la République espagnole en 1937

    Au-dessus de Carcassonne, le fort vent marin les contraignit à se poser à Salvaza. Toutefois, c’est à Francazal près de Toulouse qu’aurait dû se trouver leur destination finale. Comme nous le décrivons plus haut, les pilotes furent internés et les avions gardés au sol. Lorsqu’on su comment les mettre en route, l’adjudant-chef Gaston Lavagne se saisit de l’un d’eux afin de le tester. Appareils capricieux pour tous pilotes non instruits ; le sous-officiers alla s’écraser dans un champ à proximité. Les Chato furent en effet transportés à Toulouse, puis remis au gouvernement franquiste au mois de mars 1939. Ceci, en raison de l’accord Bérard-Jordana signé entre la France et l’Espagne le 25 février. Entr’autres dispositions, ce traité prévoyait que la France restituerait à Franco toutes les armes républicaines ayant franchi la frontière. A quel prix ? La République française du gouvernement Daladier reconnaissait désormais le pouvoir franquiste, comme unique représentant de l’Espagne et abandonnait les républicains espagnols à leur sort. En échange, Franco s’engagea à rester neutre en cas de conflit avec Hitler et Mussolini. Et quel personnage fut envoyé comme ambassadeur de France en Espagne le 2 mars 1939 ? Un certain Philippe Pétain.

    Le capitaine Emilio Galera Macias, originaire de Jaen, s’engagea ensuite comme pilote dans la Royal Air Force. Son fils et son épouse, Delia de la Puente, furent arrêtés et emprisonnés au mois d’octobre à San Marcos. Galéra Macias finit sa vie en Angleterre en 1986. Dix ans plus tôt, après la mort de Franco, il put retourner voir sa famille à Léon.

    Sources

    Alfred Raucoules, L'aviation à Carcassonne, Tome II, pp.152

    Patrick Lauréan, L'aviation républicaine espagnole, 1978, Ed. Larivière

    Hors-série "Avions" n°3

    Aeroplano, Révista de historia aeronautica, 2004, N°22

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