J'ai longuement hésité à traiter ce sujet sur mon blog car il faut savoir où mettre les pieds ou plutôt ici, la plume pour ne pas risquer de sauter sur une mine... de crayon. Mes mots seront pacifistes bien que les maux, quant eux restent encore ça et là, belliqueux. Comme les relents d'une guerre qui n'a jamais dit son nom et qui envoya un bon nombre de jeunes français à la mort. Quand je dis, français, cela s'entend dans les deux camps car l'Algérie était à cette époque un département de nos colonies depuis Charles X.
© Louis Andrieu
Des français qui s'entre-tuent ? Tiens, on n'avait plus vu cela depuis la Libération. Mais, alors il s'agit bien d'une guerre civile et pour les politiques au langage cynique, un maintien de l'ordre. Qui mettait à ce point le désordre en Afrique du nord, pour que par bâteaux on envoyât avec force des milliers de soldats, sortis pour la plupart à peine du service militaire ? Des Fellaghas, mon Capitaine ! Ils commettent des attentats à Alger, s'en prennent aux intérêts des colons. Que réclament-ils ? Ils veulent être affranchis. Non, mais ils considèrent qu'il est temps que la France rende l'indépendance à leur térritoire comme le firent d'autres nations auparavant avec leurs colonies.
© Louis Andrieu
Le gouvernement de la France embourbé jusqu'au cou dans une crise institutionnelle, où chaque semaine une majorité nouvelle arrivait au pouvoir finissait par ne plus savoir comment régler le problème. Il réprima les meneurs et en désespoir de cause, fit appel au Général de Gaulle. Ce dernier devint chef de l'état, mit fin au régime des partis et fit voter en 1958 une nouvelle constitution taillée sur mesure, la Ve République. Le "quarteron de généraux en retraite" qui par un putsch voulait imposer le maintien de l'Algérie dans le giron de la France, en fut pour ses frais. Le 4 juin 1958, le "Je vous ai compris" de De Gaulle laisse espérer le maintien de l'Algérie française, mais en fait son choix est fait. La France ne pourra pas maintenir durablement ses colonies et son image en prend un sacré coup au yeux du monde. La guerre se poursuit entraînant avec elle, des disparus, des prisonniers, des bléssés et des morts. En sous-main, le réseau Jeanson avec ses porteurs de valises, collectait des fonds pour armer le FLN (Front de libération nationale) contre l'armée française au nom de l'anticolonialisme. Il sera démantelé et jugé en 1960. A la suite de la victoire du OUI au référendum sur l'autodétermination de l'Algérie en janvier 1961, se créée l'OAS qui par des actions d'envergures s'en prend aux pro-indépendance. Finalement, les accords d'Alger sont signés le 18 mars 1962 et le 19 mars c'est la fin de la guerre d'Algérie. Elle est indépendante depuis le 3 juillet 1962.
Louis Andrieu avait 23 ans
En fait à 40 ans bientôt, je ne sais rien de cette guerre. Si ! Ce que mon père m'en a raconté lui, qui après son service militaire en Allemagne, a passé près de trois ans à Constantine dans le djebel. A 20 ans, on risque sa vie tous les jours. Les mines, les embuscades, le copain de chambrée dont on fait le lit le soir, car il ne reviendra pas à part dans un cercueil sur le bâteau du retour. D'autres, touchés par une rafale appelent leur mère. D'autres encore sont devenus fous de ce qu'ils ont vu, quand ils ne sont pas tombés malade par les amibes. Quant aux prisonniers, on ne les a pas retrouvés ou alors dans un pitoyable état. Moi je veux garder ces images d'humanité que mon père à laissé dans son album. Ce ne sont pas des images de propagande, c'est pour témoigner que la majorité des soldats envoyés là-bas n'ont pas torturé ou violé et que généraliser, ce n'est pas servir l'histoire. Qu'ils ont souffert d'être loin de chez eux, qu'ils ont eu peur et que ce conflit les marqua à jamais. Je retiendrai ce que mon père disait : "De Gaulle nous a envoyé nous faire casser la gueule là-bas pour rien"
L'état a reconnu le 10 juin 1999 avoir fait la "guerre" en Algérie. Il verse 560 euros de pension par an à ses anciens combattants d'AFN. Pour tous les autres, une inscription sur le monument aux morts... peut-être. Quant aux harkis qui avaient choisi la France, celle-ci le leur a fort mal rendu. Pour les anciens colons, ce fut la valise ou le cercueil. D'autres valises pleines de billet portées par des Français pour financer le FLN faisaient tuer les soldats de l'âge de mon père. N'attisons pas les rancoeurs et les divisions pour un effet d'aubaine électorale et économique ; tâchons de reconnaître désormais tous les hommes dans la fraternité : Algériens et Français. Comme la laïcité, cette formule ne blessera personne dans ses convictions et réunira tout le monde dans l'universalité de ce message.
Mon père n'est pas revenu indemne de ce conflit, mais la haine ne l'a jamais dominé.
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