Nous venons de mettre la main sur des documents de la plus haute importance pour l'histoire de la seconde guerre mondiale dans l'Aude, concernant la protection des sites historiques du département et l'inventaire des oeuvres d'art à la libération. Ils étaient jusque-là classés "Secret défense" par l'US Army...
Les forces alliées chargées de bombarder les positions ennemies sur le territoire français, avaient pris soin d'étudier la position des sites historiques grâce à de nombreux documents, des vols de reconnaissance et des contacts sur place. Sur la carte ci-dessus, sont indiqués en gras les bâtiments de Carcassonne classés comme remarquables et dont il faut éviter la destruction. Une liste détaillée dressée par l'armée américaine, indique l'ensemble de ces sites: l'église St-Vincent, la cathédrale St-Michel, la basilique St-Nazaire, le Pont vieux, la Cité et les remparts, le château comtal, la bibliothèque et les archives municipales, le musée des Beaux-arts.
Il est noté l'inventaire suivant:
Bibliothèque et Musée:
24 000 volumes, 692 manuscrits, 72 incunables et des peintures du XVIIe et XVIIIe siècles.
Peintures de Gamelin, 2 portraits par Rigaud, 3 paysages par Pillement, Ruines par H. Robert, Paysages par J. Vernet, Nature morte par Chardin, Toilette de Diane par Natoire, Saint-Pierre par Ribéra, Scène de lion chassé par Rubens, Paysage marin par Van de velde, Mariage de Sainte-Catherine par Van Dick, fournitures, céramiques, horloge, ciboire du XIIe siècle.
Cathédrale St-Michel et Basidlique St-Nazaire:
Statue de Notre-Dame de la Romiguière, Trois statues dans la chapelle du Rosaire, Sainte-Bénédicte et Saint-Bernard, Vitraux dans le choeur et le transept, Bas-relief de scène de siège dans la chapelle de Rodier, Tombeau de Radulphe de 1266, statue d'une femme agenouillée dans la chapelle Saint-Joseph, un vitrail dans la chapelle Sainte-Croix, 22 statues, Statue de la vierge à l'enfant dans la chapelle Sainet-Anne, Tombeau de l'évêque dans la chapelle de Rochefort.
État des lieux à la libération
Pierre Embry (1886-1959)
Des contacts sont établis dès septembre 1944 par l'armée US avec Pierre Embry, Conservateur des antiquités et objets d'art de l'Aude, et avec MM. Bourely et Nodet, respectivement architecte et architecte en chef des Monuments historiques du département. Tout ceci dans le but de dresser un état des lieux des éventuels dommages sur les sites historiques et des spoliations commises par l'occupant. Les services de l'armée américaines se déplaceront même à Carcassonne.
Une lettre signée de Pierre Embry est adressée au capitaine David K. Young/ 2678th CA Regiment (OVHD)/ Delta Base.
"Par suite de votre visite du 23 septrembre (1944, ndlr), qui a eu lieu en mon absence de Carcassonne, j'ai l'honneur de vous informer, en ma connaissance, que tous les objets classés (par le Ministère des Beaux-arts), concernant le département et les archives communales, sont restés à leurs places et n'ont souffert d'aucun dommages."
Une liste des dommages sur la Cité de Carcassonne a été dressée par Monsieur Bourely, architecte des Monuments historiques et donnée aux services américains. Le rapport fut traduit en anglais et classé sous le nom d'Appendice "A" et concerne les Pyrénnées-Orientales, l'Aude et le Vaucluse.
La Cité dans son entier a été négligée, non débroussaillée et généralement dans un piteux état, en raison de l'évacuation des habitants depuis que l'occupant avait pris possession. Il a été rapporté par le gardien du château que les allemands dans leur débâcle ont oublié des caisses de grenades dans une petite cour du château, après leur menace de faire sauter la Cité toute entière. De nombreux trous ont été construits dans les rues, probablement pour servir d'abris. (traduit de l'anglais).
En complément, une nouvelle liste baptisée "Herein" indique les autres dommages pour l'Aude.
À Carcassonne:
Le château comtal a été laissé dans un grand désordre et une grande saleté. Les serrures ont été dans plusieurs cas forcées. Aucun objet de valeur n'a disparu. Sur les remparts, toutes les portes des poternes ont été bouchées; plusieurs tours sont emconbrées de plusieurs matériels (sacs de déchets, tas de graviers...) Une partie des rempart a été percée, près de la tour de la Peyre, afin de construire un abri souterrain. (traduit de l'anglais)
Enfin, un rapport de la commission alliée du 8 octobre 1944 publié par le Quartier général de l'opération Branch, nous apprend qu'un voyage de reconnaissance à l'ouest du Rhone a noué des contact avec les civils chargés des Monuments historiques à Nîmes, Toulouse, Albi, Montpellier et Carcassonne. On note que les allemands étaient bien moins correct qu'en Provence dans leurs occupations des sites historiques. L'amphithéâtre de Nîmes a subi des dommages à cause d'un abri anti-aérien, le château de Beaucaire a été bombardé.
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