Tous ceux qui lisent mes articles depuis septembre 2009 savent que je défends bec et ongles la conservation de l'ancienne maison de la Gestapo, située avenue F. Rooselvelt, dans laquelle entre 1942 et 1944 plusieurs patriotes ont été torturés et envoyés en déportation. Pourquoi ? Tout simplement parcequ'il y a un projet de logements, visant à écraser ce lieu de triste mémoire, depuis que la société Habitat Audois a acheté cette demeure avec son parc. Contrairement à l'association de riverains qui s'est insurgée contre la création de logements sociaux, ce n'est pas cela qui me choque. Je défends le patrimoine et on aurait pu y faire une patinoire olympique, j'aurais rué dans les brancards de la même façon. Que l'on ne me fasse surtout pas le procès politique d'être contre le logement social. Je regrette par ailleurs que les riverains n'y soient pas autant attachés que moi, car de la demeure occupée par la Gestapo en 1942 il s'en fichent carrément. Que dire des associations d'anciens combattants ? Eh! bien... de ce côté c'est le silence complet et même, la presse avait écrit qu'elle ne représentait rien pour eux. Évidemment, comme me dit une très grand résistante de 90 ans: "Les meilleurs ne sont plus là pour en parler".
Vue sur la maison de la Gestapo sur l'avenue F. Roosevelt
Tout allait pour le mieux depuis une conférence de presse à l'initiative de Tamara Rivel (adjointe au patrimoine et à l'urbanisme) qui, le 8 février 2013, nous annonçait ceci:
La dépêche
Voilà qui sent l'opération de déminage à plein nez à destination des opposants de la route de Toulouse. Sinon, comment comprendre la tenue d'un tel point presse ? Hier, Tamara Rivel, l'adjointe à l'urbanisme, et son collègue à l'environnement, Michel Cornuet, ont évoqué le projet Argence. Soit la construction de 40 logements sociaux «en fond de parcelle» par Habitat audois, avenue Franklin-Roosvelt, en lieu et place d'une ancienne villa et de son parc. Coût de l'opération : 4,5 millions d'euros. Le bailleur vient de déposer un permis de construire en cours d'instruction. Le service urbanisme n'a pas encore tranché, mais l'affaire semble mal engagée . «Nous sommes très réservés en raison de la surfréquentation automobile et des problèmes de stationnement que va entraîner le projet», a expliqué l'adjointe. Ce projet à tiroirs est controversé par une association d'habitants voisins qui ne voient pas d'un très bon œil l'émergence d'immeubles HLM. Initialement, le bailleur avait projeté de construire 80 appartements avant de couper la poire en deux, sous la pression. Sur l'autre moitié de sa parcelle, le constructeur a planifié l'édification des nouveaux bureaux de la trésorerie générale. Le hic, c'est la villa, lieu de sinistre mémoire où la Gestapo a sévi durant la seconde guerre mondiale. Arguant du caractère mémoriel des lieux, l'architecte des bâtiments de France en refuse la démolition. «L'escalier monumental a été enlevé par l'ancienne propriétaire. Les belles cheminées à l'intérieur aussi. La maison tient plus d'une masure ! Il y a plein de façons d'honorer la mémoire : par une stèle, une plaque», dit de son côté Denis Janaud, le directeur d'Habitat audois, dont les services juridiques planchent sur une riposte possible. Sans la destruction de la maison, impossible de réserver sur le site la place nécessaire pour le stationnement des locataires mais aussi des agents du trésor et du public.
Patatras ! Hier, un panneau a été posé sur la grille de la maison. Il indique la nature des travaux: Construction de 40 logements sociaux et démolition du bâtiment existant.
Finalement, contre l'avis et les prescripions de l'architecte des bâtiments de France, la ville de Carcassonne a donné son accord au groupe de BTP Habitat Audois pour raser la maison. Quelles sont les raisons invoquées ? Nous le verrons tout-à-l'heure... La construction de logements sociaux est un sujet politique très sensible sur lequel je ne m'attarderais pas. Toutefois, ils sont financés par nos impôts car ce sont les collectivités locales (Communauté d'gglomérations, mairies..etc) qui allouent grassement des subventions à ces promoteurs immobiliers. Nous avons tout-à-fait le droit de nous y opposer, quand l'enjeu est la préservation du patrimoine historique, car c'est nous qui payons ces destructions. Les décisions sont entre les mains des élus et que dira t-on de Madame Rivel dans 30 ans ? Quelle a décidé de faire raser l'unique lieu du sacrifice des résistants dans Carcassonne.
René Bach, agent et traducteur de la Gestapo. On le voit ici à son procès au tribunal de Carcassonne en 1945. Il a assassiné plusieurs résistants d'une balle dans la tête (La résistance audoise/ Lucien Maury/ 1980) et il en a torturé avec un plaisir sadique dans la maison de l'avenue F. Roosevelt.
Mercédes Nunes Targa (ici au procès Bach en 1945) fut arrêté et torturée dans la maison de la Gestapo de l'avenue Roosevelt (La valeur de la mémoire/ Mercedes Nunes Targa/ Renacimiento). Elle fut envoyée au camp de Ravensbrück d'où elle revint avec le Typhus.
On oppose à l'idée de conservation de cette maison, qu'il vaut mieux la raser pour évacuer toute cette souffrance. Que faire alors des négationnistes qui dans 100 ans, au moment où personne ne pourra les contredire, s'en donneront à coeur joie pour parler de cette période ? Fallait-il détruire les ruines du village d'Oradour sur Glane ? En 2004, Vincent Reynouard a été condamné par le tribunal de Limoges pour avoir écrit que les Waffen SS étaient innocents des crimes dont on les accuse. Quelle est la logique politique du Parti socialiste audois qui s'émeut des groupes extrémistes aujourd'hui, et qui dans le même temps fait raser les symboles de la barbarie de cette même idéologie ?
L'entrée de la maison de la Gestapo
Que dit le projet immobilier ? Que les logements seront construits en fin de parcelle. La destruction de cette habitation (dixit le directeur d'Habitat Audois), c'est pour réaliser les places de parking des futurs résidents. La position actuelle de la mairie est en contradiction avec les propos de madame Rivel et monsieur Cornuet dans l'article du 8 février dernier, à savoir que cela va créer des problèmes de circulation.
Voici la position de ville de Carcassonne que j'ai reçue hier:
La maison de la Gestapo n'a pas de possibilite de renovation. Avons instruit le permis des logements en imposant le maintien du mur de cloture et portail, la sauvegarde des arbres, et la non reconstruction sur cette emprise. Un element commémoratif sera défini et implanté pour garder en memoire ce sinistre moment de notre histoire."
La façade, côté du parc arboré
Sur quel rapport d'expertise la ville se base t-elle pour écrire que la maison ne peut être rénovée ? S'il y a rapport; est-ce un organisme indépendant ? Car, si c'est Habitat Audois qui l'a fait, je crains qu'il ne soit instruit qu'à charge. Donc, on va conserver la cloture en pierre et le portail. Bien, mais alors l'ouverture est-elle suffisante pour y faire passer des véhicules ? On va garder les arbres. Lesquels ? Car, pour stationner avec des arbres plantés de façon irrégulière, cela ne sera pas évident. Pourquoi on ne construit pas sur cette emprise ? Parcequ'on va faire un parking, c'est tout !
Pourquoi ne garde t-on pas la façade en l'incluant harmonieusement dans le nouvel immeuble moderne ? Cela se fait désormais dans toutes les villes (ci-dessus, à Arcachon) et tous les architectes connaissent cette technique. Au lieu de cela, Habitat Audois a choisi le cabinet d'architectes Lebunetel à Montpellier.
Je me suis rendu sur leur site inernet. Voici le style d'habitat qui va être réalisé dans le parc de la maison de l'avenue F. Roosevelt.
Sur cette photographie prise voilà deux mois à l'intérieur de la maison, on voit l'étendue des dégats. Sachez qu'il n'y a pas eu d'effraction puisque j'ai signalé à la mairie depuis tout ce temps que la maison était ouverte aux squats. En effet, le portail d'entrée reste ouvert.
L'intérieur de la maison a été ravagé, une fois vendue à Habitat Audois, par l'ancien propriétaire qui a été autorisé à emporter toutes les portes, vitraux, stucs..etc. Car, la demeure était d'architecture Art-Nouveau avec de très belle pièces.(Photo: L'indépendant)
Je serais un responsable politique, je ne serais pas très fier de tout cela. Cette affaire a débuté avec l'équipe de Gérard Larrat qui n'a rien fait pour la sauvegarder avec un projet de destruction en 2008. Elle se termine avec l'équipe de ses opposants de l'époque, aujourd'hui aux affaires, de la même manière. Pourtant, en campagne électorale en 2009, ils avaient dit qu'elle ne serait pas rasée s'il remportaient l'élection. Paroles, paroles, paroles... on connaît la chanson.
Sachez que j'ai saisi hier après-midi, la Conservatrice régionale des Monuments historiques de la DRAC de Montpellier. Après l'avoir tenu au courant, je lui ai demandé une protection d'urgence autitre des monuments historiques pour cette maison. Elle va instruire le dossier, mais s'est étonnée que l'Architecte des Bâtiments de France à Carcassonne ne l'ait pas tenu informé de sa prescription de sauver la bâtisse. A l'évidence, la ville de Carcassonne n'a jamais demandé cette protection.
Pour ma part, j'aurais fait ce que j'ai pu dans les devoirs d'un citoyen vis-à-vis de ceux à qui il doit la liberté depuis 1945. Je ne remercie pas les associations d'anciens combattants et de déportés de l'Aude. Je ne remercie pas la majorité des carcassonnais qui ne font rien pour défendre le patrimoine de cette ville.
L'association de défense du quartier Roosevelt communique:
Je ne laisse pas dire que les gens du quartier n'ont rien fait: une assocation a été créée.
un courrier fait en 2009 a été envoyé à la mairie, aux batiments de france, à la DRAC.
il précise que c'est bien au 67 route de Toulouse que se tenait la gestapo, d'après un travail de recherche fait par moi-même au archives, sur les documents.Car tout le monde disait que la gestapo était au 67, mais personne ne le prouvait.
5 témoignages de personnes du quartier précisant les horribles faits qui s'y déroulaient, ont été joints à ce courrier
je cite un extrait d'un de ces témoignage:" Le chef de la gestapo s'appelait 'Bach' .....au 67 route de toulouse, ils avaient engagés un jardinier.....c'était pour sortir ou enterrer ceux qui étaient morts sous la torture..........................Si on creuse pour bâtir on peut découvrir un charnier........ceux qui sont morts sous la torture n'en sont jamais sorti, c'est le jardinier qui faisait ce triste travail.
A mon avis on ne bâtit pas sur un charnier"
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