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L'affaire Charpentier

Les lecteurs fidèles de ce blog savent que depuis longtemps, je cherche à lever le voile épais qui entoure l'affaire Charpentier. Il s'agit de ce résistant envoyé par Londres comme chef des parachutages de l'Aude, qui sera assassiné dans la nuit du 4 au 5 septembre 1944 dans la clinique du Bastion. J'ai rédigé de nombreux articles sur cette histoire ; il serait trop long d'en faire à nouveau le récit. Disons que des chefs de la résistance locale, amenés par le Dr Emile Delteil, ont tenté de faire passer ce patriote authentique pour un traitre en protégeant ceux qui l'avaient occis. La chose est encore plus étrange lorsque ces mêmes personnes ont bénéficié de la mansuétude de la Gestapo le 19 août 1944, alors qu'ils étaient internés comme "terroristes" à la prison. Au lieu d'être exécutés à Baudrigues avec Bringer et Ramond, ils seront relâchés et n'arrêteront pas de fournir les arguments les plus farfelus pour justifier leur libération. Selon eux, c'est grâce à leur mutisme qu'ils s'en sont sortis, tout en affirmant que Bringer avait parlé. Ce sont ces mêmes résistants indignes qui prendront place au sein du Conseil municipal de Carcassonne à la Libération. Ce sont ces gens qui feront parler les morts (Bringer, Ramond, Charpentier) pour s'exonérer de toute responsabilité. Ce sont ces gens qui iront témoigner en faveur du sous-chef de la Gestapo Oskar Schiffner à son procès en 1953 à Bordeaux. De la belle graine de résistants... 

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Le capitaine Charpentier et son épouse

Afin de faire disparaître toute trace et arrêter l'enquête de la sécurité militaire sur l'assassinat de Charpentier. Ils iront (Louis Amiel, Julien Daraud, Georges Morguleff, Francis Vals) à Montpellier en décembre 1944 demander au Colonel Labat-Leroy, de mettre fin aux poursuites et de brûler les dossiers. Le policier Raynaud de Carcassonne sera blâmé pour avoir fait disparaître les pelures des enquêtes. L'affaire en resta là car tous ces protagonistes s'étaient réunis dans une salle de la mairie, afin d'adopter une position commune devant les enquêteurs. En résumé : "Charpentier était un traitre, il avait vendu Bringer. D'ailleurs avant son arrestation, le chef des FFI avait peur que Charpentier ne le dénonce." Ainsi, venaient-ils de porter le déshonneur sur un honnête homme et sa famille, mais entrainaient celui de Bringer (Myriel) avec lui. C'est là que l'on se demande si l'affaire Charpentier, n'est pas d'abord celle de la dénonciation de Myriel à la Gestapo. Pourquoi donc trouveraient-ils si pratique d'accuser Charpentier d'avoir trahi Bringer ? 

En 1951, la veuve de Charpentier alias Noël Blanc, porte plainte contre le colonel pour avoir fait disparaître le dossier d'enquête de 1944. Comme par enchantement, des copies sont retrouvées et la justice prononce un non-lieu. L'année suivante, le "suicide" du Dr Cannac relance l'affaire. En 1953, une information judiciaire pour assassinat est ouverte et on reprend l'enquête. Le juge retrouve les copies de 1944 et la police interroge à nouveau les personnes questionnées à cette époque qui se rétractent les unes après les autres. Ces gens font partie de l'entourage du Dr Delteil et avouent avoir signé la déposition sans la lire, faisant confiance au docteur.

Lorsque je reprends l'affaire, je me mets en quête de retrouver les dossiers de 1953. Ni les Archives de l'Aude, ni celles de l'Hérault (Cour d'appel de Montpellier) les possèdent. Pourtant le Tribunal de Carcassonne avait l'obligation de donner ses archives ; il les a fait disparaître. Fort heureusement, un évènement va changer le cours de l'histoire. Au mois de septembre dernier, je suis contacté par le fils d'un commissaire ayant mené l'enquête en 1953. Cet homme décédé depuis 1976 a conservé précieusement dans son grenier, toutes les copies de l'affaire Charpentier. Il devait bien se douter que certains Carcassonnais chercheraient à protéger les mafieux. Me voilà parti au mois d'octobre à 2 heures et demi de route de chez moi pour aller chercher ce dossier. Le fils de ce commissaire me donne ces pièces à conviction, que j'aurais pu garder pour moi sans en souffler mot à personne. Au contraire, je lui propose de les verser en son nom aux Archives départementales de l'Aude. Le 2 novembre dernier, je remets en mains propres à Madame la directrice des Archives, l'ensemble de ces enquêtes.

C'est-à-dire, les auditions du Dr Delteil, Pierre Soum, Amigues, Boniface, Massias. L'autopsie du Dr Cannac pratiquée par Philippe Soum. Les dépositions des pharmaciens qui ont fourni la strictynine ayant servi à "sauver" Cannac. Une déposition qui affirme que Delteil a parlé aux Allemands. Les exhumations et les substitutions de cadavres au cimetière de Roullens. Le financement de la Résistance de Carcassonne. La découverte des corps de Baudrigues, etc.

Tout ceci constitue une vraie bombe... Elle se trouve désormais entre de bonnes mains, mais depuis un mois et demi je n'ai pas de nouvelles. Ce qui m'inquiète, c'est de n'avoir pas reçu de preuve de mon dépôt. Aux Archives le temps n'existant pas, il faut sans doute être très patient. C'est avec fierté que j'œuvre à la manifestation de la vérité. Je reste convaincu que ceux qui se sont installés dans les fauteuils de cuirs de la politique à la Libération, n'ont pas fait exactement la Résistance qu'ils prétendent avoir fait.

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Commentaires

  • Félicitations Monsieur Martial pour cette recherche et j'espère qu avec du temps et de la patience on pourra rétablir la vérité .
    En effet c'est une véritable bombe révélée au grand jour.!

  • bonjour, quelle errreur de n'avoir pas fait de copies avant le dépot, cordialement

  • Soyez sans craintes, je ne suis pas un perdreau de l'année...
    Cordialement
    Martial

  • Bonjour,

    Auriez vous des nouvelles de ce dossier ?
    Nous serions très intéressés d'avoir le fin mot de l'histoire.

    Cordialement,
    Pierre Soum (petit neveu de celui de l'affaire)

  • Très bien Mr Andrieu. Quelques personnes qui prétendent nous donner des leçons doivent ne pas être à l'aise en ce moment, elles se reconnaîtont!!
    Surtout faites plusieurs copies, autrement rien ne sortira.
    Merci pour l'honneur de ces chers disparus;

  • Bravo Martial pour votre perspicacité et votre volonté de partage...et de rétalissement.
    Dossiers brûlés à la Maison de la gestapo, Dossiers qui disparaissent des Tribunaux, demandes exprès de Stopper les enquêtes, bref chantage et surtout Silence sur tout car “on risquerait” dêtre dévoilé....
    De multiples ecouragements pour ce que vous faites, “Bien mal acquis ne profite jamais”, cela va bien à “certains” de faire parler les morts.....à l’époque et surtout de les avoir fait taire comme les Martyrs de Baudrigues.....
    Ceux qui en ont réchappé et catalogué de “terroristes” à l’époque n’ont pu obtenir leur salut que parce qu’ils ont parlé......ne nous le voilons pas....
    Continuer votre travail d’investigation Martial, tout à votre honneur....

  • Petite précision pour ceux qui se demandent pourquoi on a administré de la strychnine au Dr Cannac: C'est un antidote du gardénal que le Dr aurait absorbé : or ,comme le dit Pierre Sarcos, il n'y avait aucun emballage de gardénal dans sa chambre. C'est donc la strychnine qui l'a tué. En réalité on lui aurait fait absorber du Largactil , tout nouveau médicament à cette époque ;il a été détecté mais n'a pas été dosé.
    Cordialement

  • Ce serait bien la strychnine a haute dose inoculée par le Dr Pierre Soum au Dr Cannac qui serait à l'origine de la mort de ce dernier. Toutefois, les enquêteurs n'ont pas été en mesure de savoir précisément le nombre de boites de 16 ampoules dosées à 1 cg qui ont été utilisées. Elles ont été délivrées par le Dr Philippe Soum, médecin légiste de l'hôpital, avec des stocks provenant pour partie de l'hôpital et pour l'autre, de la pharmacie Grizou. La strychnine est l'antidote des barbituriques, mais à haute dose c'est un poison violent. Or, il n'a jamais été prouvé que le Dr Cannac ait absorbé de son plein gré une dose maximale de Gardénal. Pour avoir interrogé des membres de sa famille, ceux-ci sont formels : Marcel Cannac n'avait pas d'intention suicidaire avant son départ depuis Antibes pour Carcassonne. D'ailleurs ferait-on 6 heures de train pour aller se suicider à 500 km de chez soi ?

  • j 'espère que vous arriverez au bout de cette enquête. En tout cas bravo pour ces travaux

  • Oui Martial.
    D’autant que le dr Cannac se rendait à Carcassonne en vue de l’éclaircissement de l’Affaire Charpentier alias Noël Blanc qui devait débuter en 1953, participation ? Témoin ? Complice?
    Il en savait beaucoup trop et comme Charpentier.....”on” les a fait taire.....
    Encore des mystères qu’on s’arrangeait ou qu’on arrangeait.....
    Bon courage Martial et merci de partager.....

  • En fait, le Docteur CANNAC se rendait à Carcassonne pour témoigner devant le tribunal, du meurtre de "Charpentier" Il comptait bien sur l'intervention de ses anciens confrères pour l'aider à se disculper; Tous le savaient bien sûr innocent de ce meurtre qu'il avait endossé pour "rendre service"(sic); Mais ce soutien "amical" lui fut refusé , Car pour les médecins de la Clinique d'autres intérêts bien plus importants étaient en jeu ! Il fallait éviter à tout prix qu'une nouvelle enquête soit diligentée par la justice-enquête qui aurait immanquablement fourré son nez, dans leurs "affaires" plutôt nauséabondes ( affaires que je vous invite à découvrir) Cordialement ----A.G.

  • pour précision
    Ce fut un Docteur Cannac remonté , en colère, qui se présenta au concierge à 2heures du matin , à la grille du Bastion.Au cours de son voyage de retour sur Carcassonne, il avait rencontré, sur rendez-vous, un haut-magistrat ( certainement de la Résistance). Ce dernier lui avait fait part des manigances qui se tramaient à la Clinique. Cannac les ignorait...il y avait vécu sans même les envisager : on l'avait laissé dans l'ignorance...Cette révélation lui fit l'effet d'une bombe ! Homme de conviction , d'une grande probité, Cannac était prêt à tout déballer au tribunal ! --Il fallait le faire taire---( récit issu d'un magazine de 1953 )

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