Un an après l'armistice du 8 mai 1945 mettant fin à la Seconde guerre mondiale, des attentats ne faisant que des dégâts matériels allaient se produire dans Carcassonne. Dès le mois de septembre 1944, les miliciens qui avaient pu être arrêtés furent jugés et fusillés. Les autres s'enfuirent vers l'Espagne où ils trouvèrent asile au Grand hôtel Continental de Barcelone. Un grand nombre de personnes suspectées d'intelligence avec l'ennemi furent incarcérées à la prison de Carcassonne, à l'hôpital général et au Grand séminaire. Certaines y passèrent plusieurs mois en attente de leur jugement qui intervint en décembre 1944 devant la chambre civique de l'Aude. Cette dernière se déclarant incompétente pour les faits les plus graves, c'est la Cour de justice de la République qui les jugea entre janvier et avril 1945. Les miliciens en fuite furent condamnés à mort par contumace ; les autres, les collaborateurs, les membres du PPF et de la LVF à des peines d'Indignité nationale et à la confiscation des biens. Les mois passèrent... Ces derniers firent très souvent appel et la cour de cassation minora les peines de la Cour de justice dès l'année 1946. Tant et si bien qu'à partir de 1951, le Président de la République amnistia presque en totalité les anciens miliciens et collaborateurs, en même temps que les actes pour résistance. Ceux qui s'étaient exilés purent rentrer au pays presque la fleur au fusil, sans que les familles de déportés ou de résistants aient la possibilité de protester. Fermez le ban ! En six ans, ces gens avaient été lavés des crimes de guerre. Ce qu'il faut dire qu'un des avocats défenseurs et le président du tribunal qui les jugea dans l'Aude, avaient été soit dans la Légion Française des Combattants et de la Révolution Nationale en 1942, soit déjà en place sous Vichy.
Dans la rue de la gare en 1946
Un an après les rancoeurs chez les patriotes restèrent très vives - ce qui n'excuse en rien certaines attitudes - de voir que finalement la justice avait été - selon eux - si clémente. On ne le dit pas assez, mais l'occupation Allemande avec le soutien de l'Etat Français provoqua une guerre civile entre Français. Dans ce type de de conflit, les revanches sont inévitables et ceux qui avaient été dénoncés, dénoncèrent à leur tour. Ceux qui avaient crevé de faim s'attaquèrent à ceux qui s'enrichirent avec le marché noir, etc... C'est dans cette ambiance qu'en 1946 à Carcassonne, plusieurs attentats se produisirent dont nous vous relatons les faits ci-dessous. Les noms des personnes ont été remplacés par une initiale.
Le Midi-Libre a été créé à la Libération par le résistant Carcassonnais Lucien Roubaud. Ce journal remplaça "L'éclair" qui s'était compromis dans la collaboration.
Midi-Libre
Mercredi 26 juin 1946
Dans la nuit de lundi à mardi vers 2 heures du matin, coup sur coup, quatre explosions provenant de divers points de la ville déchirèrent le silence. Celles-ci n'ont pas fait de victimes mais ont provoqué des dégâts matériels importants.
A 1h52, une explosion avait lieu rue Victor-Hugo, à la laiterie de Monsieur B, ancien membre du "groupe collaboration". La grille de fermeture du magasin fut arrachée de sa glissière et tordue à mi-hauteur, la vitrine complètement détruite au ras du sol. Sur la bordure en bois, une cavité de 33 cm de largeur située à 4à cm au bord de la porte semble désigner l'endroit où avait été placé l'explosif. Il a été retrouvé un petit morceau de cuivre de 4 cm de longueur provenant d'un détonateur. Deux autres magasins, situés en face, ont été également leur vitrine démolie. A 30 mètres du lieu de cette explosion inconnue d'ailleurs, mais dans une moindre mesure, pour les suivantes les fenêtres des immeubles ont eu de nombreux carreaux brisés.
A 1h54, une nouvelle explosion avait lieu, rue de Verdun, à l'épicerie C. Ce magasin n'a que peu souffert de l'explosion et seul un trou de 33 cm de diamètre se trouve au bas d'une vitrine.
A 1h59, une troisième détonation se produisit rue du marché, chez Monsieur R, qui fut membre du "groupe collaboration". La devanture a été entièrement réduite en morceaux, malgré les volets de bois qui la protégeaient. Sur le côté gauche de ce magasin, la partie cimentée a été désagrégée sur 30 cm de longueur et la partie en bois se trouvant au-dessus a été complètement arrachée. Les deux magasins situés en face ont eu leur vitrine partiellement endommagée.
Quelques minutes après, une quatrième explosion se faisait entendre rue Georges Clémenceau, à l'ancienne boucherie H, dont le nouveau propriétaire est depuis un an M. Ange P. La grille de la devanture a été tordue, l'encadrement des glaces arraché et celles-ci complètement brisées. Les marbres destinés à recevoir la viande ont été cassés sous l'effet de l'explosion. L'engin ayant provoqué celle-ci semble avoir été placé à 50 cm du sol entre la grille et la vitrine. Les devantures d'un magasin voisin et de deux magasins situés en face ont volé en éclats.
D'après les premiers renseignements qui ont pu être recueillis, toutes ces explosions auraient été provoquées au moyen de plastic. Cette hypothèse a d'ailleurs été confirmée par la découverte faite hier matin, rue Courtejaire, devant l'imprimerie R, d'une boule de plastic de 300 grammes environ, prête à fonctionner, mais dont les conditionnement défectueux avait dû empêcher la détonation.
Deux explosions se sont produites hier matin (25 décembre, NDLR) à Alet, provenant de deux engins explosifs qui avaient été placés devant les bureaux de la société hyppo-métallurgique.
Une information est ouverte en vue de découvrir le ou les auteurs de ces explosions.
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