Durant la dernière semaine de décembre 2014, le tribunal de Montpellier saisi par une plainte déposée en diffamation à l'encontre du Président de l'Académie des Arts et des Sciences de Carcassonne, était chargé d'examiner la culpabilité du prévenu. Cette procédure avait été lancée en 2011 par la Communauté d'agglomération du Carcassonnais représentée par Monsieur Emmanuel Pidoux, alors directeur de la bibliothèque de Carcassonne. À la suite du désherbage de la bibliothèque ayant eu pour conséquence la mise à la benne de milliers de livres dans la rue de Verdun, des propos jugés injurieux par le plaignant, auraient été écrits sur le blog de l'Académie des Arts et des Sciences. M. Pidoux jugeant qu'ils portaient atteinte à son intégrité avait alors saisi la justice.
Le récit de l'audience nous est relaté dans la Gazette de Montpellier
Texte de l'article
Il s'avance vers les juges, serrant un livre contre son coeur. Gérard, 64 ans, président de l'Académie des Arts et des Lettres [Arts et Sciences, NDLR], est jugé pour diffamation. Sa faute ? "Vous vous en êtes pris publiquement à Emmanuel Pidoux, le nouveau conservateur de la bibliothèque de l'agglomération de Carcassonne, précise la présidente du tribunal Claudine Laporte. Vous lui reprochiez d'avoir jeté près de dix mille livres et revues anciennes à la poubelle.
C'était en août 2011. Le conservateur, fraîchement nommé, entend faire de la place dans les rayons de la médiathèque. Sans autre consigne que celle de se débarrasser des revues et des livres les plus vieux, il charge ses subalternes de faire le ménage. Les bibliothécaires protestent. Selon eux, le tri doit être fait par un professionnel capable d'estimer la valeur des ouvrages. Le 15 août, tenace, le conservateur commande des bennes et charge des employés de l'Agglo de jeter les bouquins.
"Barbare". Outrés, les bibliothécaires appellent les Carcassonnais au secours. "Nous devions sauver ces livres, se souvient Gérard. Certaines personnes ont plongé dans les bennes pour en sortir un maximum." Malgré la mobilisation, près de dix mille volumes partent au pilon. Deux jours après, Gérard publie sur le blog de l'Académie une lettre qui dénonce les agissements du conservateur. "Vous avez écrit qu'il s'agissait d'un bibliocauste", rappelle la juge. Vous affirmez qu'il s'agit d'un acte barbare d'un autre siècle, que le geste d'Emmanuel Pidoux est inqualifiable et demandez son licenciement." La juge marque soudain un pause et remarque le livre que Gérard tient toujours serré contre son ventre. "C'est quoi ? ", demande t-elle. Gérard s'approche et l'informe :
"C'est un des livres anciens que nous sommes parvenus à sauver. Il s'agit du 1er tome d'une Encyclopédie d'Alembert. Elle date de 1783. C'est un livre rarissime dont la valeur atteint 5000 euros. Les dix-neuf autres tomes ont été détruits. Pidoux s'est rendu coupable d'un bibliocauste, ni plus, ni moins."
Jacques- Philippe Redon, le procureur, s'étonne : "Jeter les vieux livres pour faire place à une culture plus moderne ! Cela ma rappelle les palimpsestes : ces parchemins anciens effacés pour être réutilisés. C'est comme cela que nous avons perdu les principes d'Archimède !"
Il salue l'action des bibliothécaires, "il fallait alerter les gens", et demande que Gérard soit relaxé. Son livre ancien, toujours serré contre sa poitrine, Gérard se lamente : "Le fonds patrimonial de la médiathèque de Carcassonne a été saccagé. Détruire des livres anciens, c'est attaquer une civilisation."
Jugement le 5 février 2015
La benne dans la rue de Verdun en août 2011
© Tiphaine Audibert
Note du blog
Dans un soucis d'équité envers M. Pidoux, nous voudrions indiquer que celui-ci n'a sûrement pas pris cette décision tout seul, sans consulter les élus en charge de l'Agglo. Que lui seul a subi la foudre des Carcassonnais et qu'il a été soigné ensuite pour un état dépressif de longue durée. Qu'effectivement des propos passionnés ont été écrit sur des blogs à son endroit. Cela bien sûr ne remet pas en cause la gravité de cet acte de désherbage à la vue des touristes dans une rue commerçante du centre ville et en plein été. Toutefois, M. Pidoux a été remercié récemment de son poste de conservateur mais les élus qui étaient en responsabilité à cette époque et ayant autorité sur lui, conservent leurs mandats électifs.
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