Où sont donc passés ces temps où têtes couronnées et hôtes de marque se donnaient régulièrement rendez-vous à Carcassonne afin de visiter la Cité ? A cette époque là, mon père me racontait le long cortège des limousines et autres véhicules de luxes déposant princes, princesses, écrivains et vedettes de cinéma au pied de leurs hôtels. Et dans un élan de regrets nostalgiques, il ajoutait : "Cette clientèle, nous l'avons perdue. Jamais elle ne reviendra ; le tourisme des épées en plastique et des claquettes de plage les a fait fuir." Jusqu'aux années 1960, la Cité de Carcassonne était encore un village dans lequel la discrétion des habitants permettait à ses hôtes de vivre tranquillement leur séjour. Le garage de l'hôtel de la Cité n'était rempli que de Bentley, Aston Martin, Rolls Royce, etc.
Ces temps-là sont révolus et avec eux, les devises que laissaient ces très riches visiteurs. Du côté de la place Marcou, les cafetiers assassinent avec des tarifs prohibitifs une clientèle de classe moyenne, qui s'est déjà acquittée de cinq euros de parking. Que pourrait-on espérer à Carcassonne quand on a beaucoup d'argent à dépenser ? Au moins une boutique des sacs de luxe Goyard, fabriqués à Carcassonne et vendus dans le monde entier. Même pas... La Cité n'intéresse pas les industriels du luxe, c'est dire si son image n'est pas bankable. Tristesse, alors qu'un défilé de mode de Gucci ou de Chanel dans le Château comtal cela aurait de la gueule. Continuons donc à vivre avec notre nostalgie et à paupériser une population, dont l'unique recours est la seringue de l'assistance sociale.
© The Telegraph / ALAMY
Rudyard Kipling (1865-1936) séjourna à l'Hôtel de la Cité du 24 au 26 avril 1923. L'auteur du Livre de la Jungle a trouvé là son inspiration pour Fins et recommencements.
Douglas Faitbanks (1883-1939), acteur américain de cinéma muet, s'est arrêté à l'hôtel de la Cité le 7 juin 1926.
Sir Winston Churchill passa plusieurs jours à Carcassonne à partir du 12 août 1931 et peignit la Cité médiévale.
Colette (1873-1954), écrivain, logea à l'Hôtel de la Cité en 1932.
"Après tant d'hôtels. Enfin, un chez moi ! "
Sacha Guitry (1885-1957), auteur dramatique et comédien. Il dormit à l'hôtel de la Cité le 10 octobre 1932. La même année, nous eûmes l'honneur de recevoir Walt Disney et Mistinguett.
Jules Romain (1885-1972), écrivain et auteur dramatique. On lui doit notamment la pièce "Knock où le triomphe de la médecine" interprétée par Louis Jouvet. A l'hôtel de la Cité, le 25 octobre 1934.
Paul Valéry (1871-1945), poète de passage à Carcassonne le 9 juillet 1935 pour l'inauguration du nouveau Théâtre municipal. Il y prononcera un discours. Sur le livre d'or de l'Hôtel de la Cité, il laisse cette dédicace.
" Il est impossible d'être mieux reçu que je n'ai été ici."
© Lem Billings
John Fitzgerald Kennedy, le 29 juillet 1937 grimpe sur le pont du Château comtal. Le futur président des Etats-Unis est en visite à Carcassonne dans sa jeunesse.
James Stewart (1908-1997) et son épouse, à l'hôtel de la Cité. L'acteur américain y séjournera en août 1939. Le même mois, la Princesse Poniatowsky en provenance de Paris et allant à Cannes, l'a peut-être croisé dans les couloirs.
Au mois d'octobre 1949, le Syndicat d'initiatives reçoit les principaux agents de voyages américains. Le Dr Girou, M. Sablayrolles et Pierre Embry allèrent à la gare souhaiter la bienvenue à vingt représentants de marque du tourisme de l'Amérique du nord. Après une visite à la Cité commentée par M. Embry, avec Mme Pullès et Mlle Miailhe comme interprètes, un dîner cordial a réuni tous ces personnalités qui représentaient New-York, Washington, San Francisco, Charlotte, San Antonio, Chicago, Montréal, Québec. M. Phisel, attaché d'ambassade à Montréal ; M. Sorobo, directeur d'Air France à New-York et un délégué du Haut Commissariat au Tourisme, accompagnaient cette caravane, qui arrivait de Rome à Nice par avion. Le Syndicat d'Initiative multiplie ses invitations et s'apprête à recevoir le dimanche 23 octobre, cent Canadiens, membres de la Chambre de Commerce et de personnalités de Québec en voyage d'études en Europe, où ils visiteront la Belgique, la France, l'Italie et la Suisse.
© photo d'illustration
4 mars 1949, le Rajah Behaour Sardar (19 ans), fils du maharadjah de Khétri, venant de Londres et de Paris, après une courte halte à Albi arrive à Carcassonne. En voyage de noces, accompagné de la maharanée, fille de l’ancien ambassadeur du Népal en Grande-Bretagne, il loge à l'Hôtel Terminus et repart en direction de Cannes.
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Don Luis Subercaseaux (1882-1973), ambassadeur du Chili auprès du Saint-Siège. Le 20 mai 1949, l'ancien athlète des jeux olympiques d'Athènes de 1896 passe la nuit à l'hôtel de la Cité.
Conchita Cintron (1922-2009) est restée dans l'histoire de la tauromachie comme la première femme rejoneadora célèbre, bien qu'elle ne soit pas la première torera à cheval. Elle séjourne le 24 mai 1949 à Carcassonne.
Chula Chakrabongse (1908-1963), fils du prince Chakrabongse Bhuvanath. Il est le cousin de l’empereur du Siam. Il visite la Cité avec Pierre Embry. Il venait d’Espagne et allait à Paris.
Le réalisateur et scénariste américain Erich von Stroheim (1885-1957) visite incognito la Cité le 24 septembre 1949. Il séjourne à l'hôtel et repart vers la Côte d'Azur.
L'Impératrice Bao Daï (1914-1963), venant de Biarritz visite la Cité le 4 octobre 1949. Elle réside à l'Hôtel du Commerce, rue de la République. Elle repart le lendemain vers la Côte d’Azur.
9 Décembre 1949, le roi Carol II de Roumanie (1893-1953) s'arrête avec son épouse et son secrétaire à l'hôtel de la Cité. Ils repartent le lendemain pour le Portugal via Barcelone et promettent de revenir bientôt. Le monarque adressera ce courrier à Pierre Embry :
Cher monsieur Embry,
Il y a peu de jours que je viens de recevoir le très intéressant livre sur la Cité que vous avez eu l'amabilité de nous envoyer. De tout cœur nous vous remercions. Cette très intéressante et belle publication, que la princesse et moi lirons avec attention, est un vivant souvenir de ces belles journées que nous avons passées dans ce magnifique Carcassonne. C'est grâce à vous, Monsieur le Conservateur, que nous avons pu connaître à fond cette merveille de la France. Vous nous avez exposé avec tant de clarté de profonde érudition tout le passé de cette forteresse historique, que nous garderons toujours dans notre mémoire sa belle histoire. La princesse se joint à moi pour vous remercier encore une fois pour le très intéressant livre et aussi pour la façon charmante avec laquelle vous nous avez guidés à travers les beautés de la Cité de Carcassonne.
Très sincèrement. Carol, R.
L'empereur du Vietnam Bao Daï le 14 août 1950 loge à l'Hôtel de la Cité
Le Duc de Windsor (Edward VII) devant l'Hôtel de la Cité, le 12 août 1950
Madame Pueyo se souvenait d'un anglais distingué se promenant dans la Cité avec une jeune femme fort élégante, qui s'arrêta pour admirer les roses de son jardin.
"Vous avez de bien belles roses !" dit l'anglais dans un très bon français.
"Je vais vous en donner une" répondit-elle avec la chaleur et l'empressement qu'on lui connaissait. Puis avec curiosité...
"Mon Dieu, Monsieur, comme vous ressemblez au roi d'Angleterre !"
Le monsieur sourit tandis qu'elle tendait à la dame une rose fraîchement coupée. Madame Pueyo apprit le lendemain que le duc de Windsor séjournait à l'hôtel avec Wallis Simpson. Le duc de Windsor a laissé un grand souvenir. Il entendait être traité comme les autres clients. (L'hôtel de la Cité / Bernard Vaissière / Liber Mirabilis)
Maurice Chevalier sort de l'hôtel de la Cité le 26 août 1953
S.A.R le prince Rainier III de Monaco passa la nuit à l'hôtel de la Cité le 6 juillet 1954
Grâce de Monaco épouse de Rainier III a sa sortie de l'hôtel de la Cité le 8 juillet 1961.
Cet article ne suffirait à dresser la liste des célébrités ayant séjourné à Carcassonne. On ne connaissait que celles de l'hôtel de la Cité grâce à son livre d'or ; nous avons enrichi ce catalogue grâce à des articles de journaux de l'époque, pour ce qui concerne les hôtels de la ville basse.
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Commentaires
c'est article donne envie de pleurer quand on voit l'état de la cité et de la ville actuellement ! du bruit , des détritus ,des épées de plastique ---et autres cochonneries -
j'ai passé 2 jours à rocamadour et ,ai été agréablement surprise par la propreté des rues ,du site et l'amabilité des commerçants qui vous vendent les bons produits locaux - pas des guenilles -
faut sortir un peu et prendre modèle !!!
tristesse !
C'était la grande époque, hélas bien terminée. Peut-on espérer qu'elle reviendra un jour ? L'actualité ne laisse guère d'espoir dans ce sens.
Je ne suis pas convaincu que les épées en plastique et les claquettes de plage soient totalement responsables du départ de ces touristes de marque. N'oublions pas le passage de Stéphane Eicher qui séjourna dans l'Hôtel de la Cité pour son album Carcassonne. La Reine Elisabeth II il y a une vingtaine d'année avait visité à son tour la Cité. Elle avait été "choquée" qu'un jeune carcassonnais la salue de sa fenêtre sans protocole. Nous sommes bien loin de la courtoisie de son ancêtre le Duc de Windsor... "Il suffirait de presque rien" comme chantait Reggiani pour que notre Cité unique au monde apparaisse à nouveau digne d'intérêt aux grands ; "il suffirait de presque rien" pour qu'ils oublient un peu portable, people, wi-fi, "likes" pour écouter ce que nos pierres ont à raconter. Un selfie entre les créneaux ou un flashmob dans les lices ce ne serait pas si mal que ça !
Cet article extrêmement bien écrit reflète dans les moindres détails la réalité-bien triste- d’aujourd’hui.Cette époque passée respirait la vraie classe,la distinction,l’erudition,la beauté,la courtoisie, et tant et tant d’autres choses.....
Ce charme d’antan ne reviendra pas.....
Désolé de vous contredire pour une fois , mais que viens faire la place Marcou dans ce débat ? Prix prohibitifs place Marcou ? Avez-vous déjà mangé sur la place ? J’en doute , nos prix ( restauration) doivent être les plus bas de tous les sites touristiques de France et pourquoi ça ? Parce que la clientèle que nous amène la ville de Carcassonne est une clientèle bon marché qui n’est pas prête à dépenser beaucoup d’argent sur le site . Nos touristes passent en moyenne moins de 3 heures intra-muros et souvent sont en transit pour ailleurs. Je ne pense pas me tromper en disant que les restaurants sont largement plus chers en centre ville , et en plus allez trouver une table pour manger après 15 h , mission impossible, même si les boissons sont un poil plus chères à la cité, justifiées par le nombre de personnels engagés pour un service non stop 7jours sur 7 en saison . Ensuite , la place Marcou à été la première à rénover ses façades, à investir dans de belles terrasses, à imprimer des menus en différentes langues , bref à tout faire pour accueillir comme il ce doit le plus grand nombre de nos chers touristes français et étrangers. Notre ville de Carcassonne commence à peine sa mutation mais à énormément de retard par rapport à sa concurrente Narbonne et je pense que avant de parler de la place Marcou , il y aurait beaucoup à dire et à redire sur Carcassonne..... qu’on se le dise
si les riches americains ont deserté la Cité c'est en partie a cause de De Gaulle qui a obligé les militaires americains a quitter leurs bases en France (americains go home ...!)
Ah que dire... La nostalgie peut rendre parfois un brin réac'... "c'était mieux avant"...
Mais c'est trop simple et facile. Le tourisme de masse a envahi la France. C'est un bien pour l'économie. C'est un bien que de rendre accessible au plus grand monde le patrimoine. La Jet-set déserte la cité car elle est envahi de touriste? Il faudrait placer la cité sous cloche pour faire revenir les jet-setteurs? Pas sûr qu'ils reviennent pour autant.
Déjà, quand on voit la culture, l'intelligence et le savoir-vivre de la jet set actuelle... Bref...
Ensuite, si ça se trouve, certains futurs jet-setteurs sont peut-être déjà passés par la cité sans qu'on le sache....
JFK, en 1937, n'était pas président, juste un ado casse cou sur la photo. Donc bon...
Voilà, c'était mieux avant, parce que je vieillis et que je regrette ma jeunesse...
Des photos vraiment intéressantes mais la date d'août 1950 pour celle du duc de Windsor doit être fausse. La partie arrière de la voiture à côté du duc est celle d'un modèle américain du milieu des années 1950 (une berline Cadillac Fleetwood, je pense). Et la voiture à droite de la photo est également un modèle plus récent que 1950.