En 1984, le municipalité Chésa créée l'OPAH (Opération Programmée d'Amélioration de l'Habitat) à Carcassonne. La volonté affichée est de rénover en profondeur le vieux centre-ville afin de le rendre plus attractif socialement et commercialement. Le constat à cette époque est sévère, la préfecture audoise ne cesse de perdre des habitants au profit des villages satellites tels que Palaja, Cazilhac ou Villemoustaussou. Le prix des terrains y est très attractif, la taxe foncière peu élevée et surtout Carcassonne n'a pas révisée son P.O.S (Plan d'Occupation des Sol) ; ce qui ne permet pas d'étendre les surfaces à bâtir. Le centre-ville se désertifie ; il est triste de ses vieux logements non rénovés et sa population est vieillissante.
La construction de la vieille bastide élevée sous Saint-Louis, avec ses rues étroites et perpendiculaires, s'accommode très mal avec les usages des temps modernes. À l'intérieur de celle-ci la circulation est quasi impossible ; le stationnement dans les rues génère des bouchons lorsqu'il s'agit de livrer les commerces. La pollution est constante et participe à la noirceur des façades d'habitations déjà presque en ruine. On se gare sur la place Carnot comme on peut et où on le peut, sur un bitume défoncé par la racine des platanes. Pour autant, le petit commerce est encore florissant malgré l'apparition de grandes surfaces comme Leclerc (1977) et Mammouth (1981). La rue de la gare devenue entièrement piétonne en 1978 sous la municipalité Gayraud est une vraie réussite, malgré la protestation de plusieurs commerçants.
Chésa I
(1983-1989)
Pendant son premier mandat (1983-1989), Chésa va engager toute une série de chantiers à l'intérieur de la Ville basse. On défonce et on creuse de partout, si bien que depuis Albert Tomey, les Carcassonnais n'auront jamais vu autant de chantiers en si peu de temps. Les rues Armagnac, Tomey deviennent semi-piétonnes et richement pavées ; le mobilier urbain est entièrement remplacé. Deux parkings souterrains sont créés en six ans : André Chénier et Jacobins - l'aménagement en surface est contestable. Ceci dans le but d'accueillir les nombreux véhicules des habitants des villages alentours venant travailler chaque jour dans les administrations du centre-ville. Les boulevards se dotent d'horodateurs et des pervenches distillent les premiers PV sur les pares-brise. C'est la Révolution ! La mairie impose aux usagers une nouvelle façon de vivre la ville ; il faut accepter de laisser son véhicule à l'extérieur de la Bastide et marcher un peu pour s'y rendre. Les habitudes ont la dent dure... Toutefois, le centre-ville reste attractif en cette fin des années 80 où il n'existe presque pas de zone commerciale, à part Cité 2. De plus, l'Association des commerçants dirigée par Yves Calvet reste très active.
Un grand nombre d'anciens bâtiments délabrés et vétustes sont rasés, d'autres sont réhabilités. Prenons exemple des résidences Liberté, Augustins, Officialité... Ces constructions sont toutes réalisées par le groupe Marcou pour le compte de l'Office HLM. La nouvelle offre locative ne se réalise pas sans un certain mépris pour la fouille archéologique. Chésa introduit dans la vieille bastide bourgeoise du logement social, dans le but de la repeupler et de la rajeunir. Ceci s'accompagne de la création de Halte-garderies, de Centres de loisirs, de maternelles...etc. La régie du C.A.R.T, ancêtre de l'Agglo-bus, facilite le transport des usagers ; son antenne se trouve au Square Gambetta. Le T.O.U.C initié par Chésa, complètera cette offre à la fin des années 90 ; sa gratuité soulèvera la colère des artisans taxi l'accusant de concurrence déloyale. Il prouvera néanmoins son efficacité et son côté pratique grâce la flexibilité des horaires, son avantage écologique (il est électrique) et sa maniabilité.
Le cadre de vie s'améliore avec la valorisation du patrimoine. Une ville propre, agréable à regarder invite à l'accueil et à l'envie d'y séjourner. Les anciens remparts de la Bastide sont peu à peu restaurés et mis en lumière. Ce sera le cas du portail des Jacobins en 1994 et de l'ancien bastion Saint-Martial. La ville jusque-là largement déficitaire en hôtels de standing voit sa capacité d'accueil en terme de nuitées, exploser... Ceci ne va pas sans un certain mauvais goût architectural, assez contestable par rapport à l'histoire de Carcassonne. Nous citerons, l'hôtel Ibis (Square Gambetta) et des Trois couronnés. À cette époque, la Bastide St-Louis s'appelle encore Ville basse ; elle n'est pas classée en secteur sauvegardé. Nous y reviendrons...
Chésa II
(1989-1995)
En 1992, l'OPAH a permis la rénovation de 270 façades en Ville basse. Malgré les efforts engagés pendant 6 ans, cette dernière compte 630 logements vides. Dans leur totalité, les appartements sont à 56% sans confort moderne. Dans la rue de la gare, les logements au-dessus des commerces ne sont pas loués depuis les années 1950. Les propriétaires ne veulent pas engager des travaux qui leur coûtent plus cher, que ce que rapporte le fruit de la location. Les investisseurs n'ont aucun intérêt à rénover un centre-ville qui n'est pas attractif ; dans lequel on ne rencontre plus personne dans les rues à 19h. La conjoncture économique nationale en 1992 montre que la pierre ne rapporte plus et que les gens ne veulent plus s'endetter à long terme. Seules les grandes villes conservent cette attractivité, grâce aux étudiants. À Carcassonne, on promet une I.U.T de 400 étudiants...
De son côté, Patrick Athiel, le secrétaire général du B.T.P Audois rappelle que la charge du foncier représente 2,5 fois le loyer ; cela diminue la rentabilité de l'investissement. Nous sommes en 1992, je n'ai pas les chiffre de 2015. Il indique que la ville est tristounette et finit par une boutade :
" Avec une bonne inflation et un effondrement de la bourse, on referait le centre en cinq ans."
Chésa III
(1995-2001)
La place Carnot est entièrement refaite et interdite au stationnement des véhicules. Petit à petit les cafetiers prennent d'assaut les terrasses. Aujourd'hui, ils se disputent tous le droit de place ; cela demeure le lieu le plus attractif du centre-ville. Les chantiers vont connaître un sérieux coup d'arrêt avec l'inscription du remboursement de la dette Orta dans les comptes des finances de la ville. Les impôts locaux augmentent beaucoup plus rapidement que l'inflation. Carcassonne l'endettée est asphyxiée par la pression fiscale ; l'investissement municipal est quasi nul.
Pour la première fois, suite au rapport d'Alexandre Mellissinos, le maire ne nomme plus la Ville basse. On dit désormais, la Bastide Saint-Louis. En octobre 1997, elle est classée en secteur sauvegardé. C'est le début de très belles réhabilitations, mais le chemin de croix des propriétaires se heurtant aux préconisations de la Maison de l'habitat. Le cahier des charges des travaux est tel qu'il fait exploser les devis et les factures. Un grand nombre d'entre-eux préfèrent laisser en l'état plutôt que d'investir à perte. Les logements locatifs entrent dans le cadre de la loi Malraux. Certains investisseurs vont profiter de la déduction fiscale ; des travaux ne seront jamais achevés. Parmi eux certains vont faire faillite ou escroquer des acheteurs croyant profiter d'une belle affaire. Pendant des années, de vieux hôtels particuliers vont rester à l'état d'abandon. C'est encore le cas...
Chésa IV
(2001-2005)
Le vieux maire de Carcassonne est affaibli par la maladie ; on le sent moins gaillard. Dans un même temps la ville se paupérise de plus en plus. Sous l'effet de la mondialisation, la France voit ses entreprises fuir à l'étranger et le chômage s'accentuer. En 2003, Chésa écrase le Square Gambetta avec ses canaux, ses cygnes, sa verdure... Il va faire un nouveau parking souterrain pour drainer du monde en ville. Ce chantier restera un trou pendant quatre ans avant que les travaux ne débutent en 2007 ; il sera inauguré par son successeur Gérard Larrat en 2008. La crise est là et les zones commerciales s'étendent en périphérie. On s'y gare très bien...
Larrat I
(2005-2009)
Plutôt que de tenter de sauver le mort clinique, le nouveau maire va faire danser et chanter autour de lui. A t-il compris qu'il n'y avait plus d'espoir ? Il organise toute une série de festivités périodiques afin de faire venir le chaland : La magie de noël, le festival des deux cités, la féria (autrefois, semaine espagnole)...etc. Loin d'espérer ranimer le patient, il lui offre des soins palliatifs. La priorité n'est semble t-il plus à l'amélioration du patrimoine bâti et urbain. Ceci ne déplait pas aux Carcassonnais, jamais Chésa n'avait dépensé un centime pour animer la ville, à part le festival d'été.
Pérez I
(2009-2014)
Quand le nouveau maire socialiste arrive aux affaires, il poursuit les fêtes de son prédécesseur et les amplifie : Festival de la magie, Saint-Vincent...etc. Le commerce de la Bastide est en crise, comme le pays tout entier. Deux nouvelles zones commerciales sont créées en périphérie : la Ferraudière et le Pont rouge. On installe le marché du samedi matin sur l'esplanade bâtie sous Larrat I. On refait la place Lucie Aubrac, la rue Chartran et bientôt la rue Armagnac. L'étude pour l'obtention du label "Ville d'art et d'histoire" est presque finalisée. Malheureusement, la ville a concédé de nombreuses compétences à l'agglo ; elle n'a plus la main sur bon nombre de dossier touchant la vie de ses concitoyens.
Larrat II
(En cours)
Nous écrirons l'histoire après avoir vécu le présent...
Conclusion
En moins de 15 ans, le centre-ville de Carcassonne a vu disparaître :
- Le Conseil général (rue de la République) pour Grazailles, soit 2000 fonctionnaires.
- Les archives de l'Aude (rue J. Bringer)
- Services de la Poste (place de Lattre de Tassigny)
- L'école de musique (place du petit lycée)
- Bientôt le commissairiat de police
Ce sont autant de clients potentiels qui déjeunaient les midis, s'habillaient, faisaient leurs cours en centre-ville. Ils n'ont plus aucune raison de le fréquenter. On paye aujourd'hui les erreurs d'hier que l'on continue d'ailleurs à poursuivre. Améliorons le patrimoine à visiter de la Bastide et ouvrons les hôtels particuliers pour attirer les touristes. Créons des magasins atypiques et artisanaux, des pôles excellence et une université en ville. Oublions l'idée de continuer avec le commerce tel qu'il est aujourd'hui, c'est celui d'hier. Nos enfants choisissent sur internet. Inventons le centre-ville de demain... il est encore temps.
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