Le 19 août 1944, les allemands évacuent Carcassonne après presque deux années d'occupation dans le département. A la prison se trouvent notamment des résistants et l'on s'inquiète du sort qui leur sera réservé, après que l'ennemi eût informé la Croix-rouge qu'elle n'aura pas à leur apporter le repas de midi. Il y a parmi eux Jean Bringer (fonctionnaire des eaux et forêts), Aimé Ramond (Officier de paix) et le Dr Delteil (Chirurgien et propriétaire de la clinique du Bastion). Le préfet envoie alors deux délégués charger de négocier un échange de prisonniers, mais le sous-chef de la Gestapo "Schiffner"déclare que seul le Dr Delteil sera libéré avec d'autres détenus sans préciser lesquels. Le chirurgien aurait été gracié pour avoir soigné des soldats allemands dans sa clinique. Vers 11 heures du matin, ceux qui vont être libérés voient monter dans un fourgon cellulaire de la prison, six hommes et deux femmes. Un autre homme, peut-être déjà mort ou agonisant, sur lequel on avait tiré pour avoir tenté de s'évader fait également partie du convoi. L'escorte sera vue à la sortie de la ville en direction de Limoux.
Ils se rendent en fait au domaine de Baudrigues situé sur la commune de Roullens, où ils ont entreposé des torpilles de 50 à 500 kilos et d'autres munitions. Intrigué par cette agitation peu coutumière, le régisseur Henri Cambon s'instruit auprès de l'adjudant-chef qui lui conseille de fuir car tout va sauter. A Villalbe, hameau de Carcassonne dont les champs jouxtent ceux du domaine, certains ouvriers agricoles ont aperçu des fils et se doutent de l'iminence d'une explosion. Alphonse, à peine âgé de 20 ans se propose d'aller les couper, mais ses amis du hameau l'en dissuaderont car les allemands pourraient exercer des représailles sur la population. Ils assisteront de loin à l'explosion(la première à 16h45 et la dernière à 16 heures) des neufs depôts sur seize que les "boches" avaient minés.
Le lendemain 20 août 1944 les dégâts sont considérables et c'est une vision d'épouvante. "Nous avons été parmi les premiers à Villalbe, à nous rendre sur place" souligne Alphonse. "Ce que nous avons vu dépasse tout ce que nous pouvions imaginer. Pendus aux branches des arbres encore debouts, des morceaux de boyaux et de cervelle. Il ne restait rien du parc." ajoute t-il.Trois corps pourront seulement être reconstitués grâce à certains éléments: Ramond, Bringer et un inconnu. Par exemple, madame Bringer reconnaîtra les restes de son mari à l'alliance d'un doigt. Au total ce sont neuf cadavres que l'ont dit avoir retrouvés dans le parc, sur la base du rapport de gendarmerie. Celui-là même prétend qu'un homme a été fusillé dans le dos et une femme de face. Cela sous-entendrait l'hypothèse qu'ils étaient déjà morts avant l'explosion, mais il est tout aussi possible qu'ils aient été attachés en vie sur le dépôt. On n'a pas pu retrouver une tête !
Selon Julien Allaux, les 7 personnes non identifiées sont: Maurice Sevajols (arrêté à Perpignan le 7 août 44 et transféré à Carcassonne dix jours après); Pierre Roquefort, Jean Hiot, Léon Juste et Gilbert Bertrand, tous les quatre rescapés du maquis de Trassanel. Les deux femmes restent inconnues, mais il semblerait qu'elles aient été de confession juive. Les recherches menées par M. Allaux en 1988 permettent de penser qu'il n'y a pas eu 9 mais 14 victimes à Baudrigues. En effet, comme Maurice Sevajols d'autres résistants arrêtés avec lui étaient détenus à Carcassonne. Au lendemain de la tuerie la gendarmerie retiendra neuf, mais le 5 mai 1945 le juge d'instruction accompagné d'un médecin a constaté que des débris humains avait été au cours des huit derniers mois, recueillis par le régisseur du domaine et déposé dans un cercueil. La liste des martyrs serait donc la suivante: Bringer Jean, Ramond Aimé, Roquefort Pierre, Hiot Jean, Juste Léon, Avignon René, Bronson Jacques (né le 16 février 1923 à St-Pé de Bigorre), Gros André, Sevajols Maurice, Torrent André, Bertrand Gilbert, Baills Simon et deux femmes inconnues.
Aimé Ramond fut inhumé le 27 août 1944 à Montgeard (H-G). Nous voyons ci-dessus l'hommage rendu par ses collègues avec la pose d'une stèle dans la clairière de Baudrigues.
Pour les obsèques de Jean Bringer, le 31 août 1944 toutes les administrations sont fermées. Le corps est exposé dans une chapelle sur la place Carnot, puis amené à la cathédrale Saint-Michel. Il sera inhumé au cimetière du même nom.
Chaque année lors de la commémoration de la libération de Carcassonne, une gerbe est déposée sur les lieux même du massacre.
Sources
Les martyrs de Baudrigue (Julien Allaux)
Témoignages recueillis auprès de villalbois (signalés en rouge)
Crédits photos
Collection privée
Midi-Libre
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